Atomium ou Tour Eiffel, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi de vos selfies

par
Camille
Temps de lecture 3 min.

Les vacances arrivent, et avec elles les inévitables photos et selfies pris devant des bâtiments historiques. Mais au fait, avez-vous le droit de publier une photo de l'Atomium ou de la tour Eiffel sur votre profil Facebook ? Oui. Mais pas à n'importe quelles conditions.

Le Parlement européen souhaite « adapter le droit d'auteur à l'ère digitale » (voir ci-dessous). La Commission européenne devra présenter des propositions en fonction des grandes lignes adoptées hier par les eurodéputés. Mais l'idée de restreindre la liberté de panorama, un temps envisagé, n'a finalement pas été retenue. Les utilisateurs de réseaux sociaux y voyaient une menace à la possibilité de mettre en ligne des photos prises devant des édifices publics renommés.

La liberté de panorama, c'est quoi ?

Cette exception au droit d'auteur autorise toute personne à dessiner, photographier ou filmer des bâtiments dans l'espace public et à en diffuser le résultat sans avoir à obtenir l'autorisation des concepteurs du bâtiment. Cela vaut pour des usages non commerciaux. La Belgique est l'un des rares pays à restreindre cette possibilité. Il n'est ainsi pas possible de publier une photo de l'Atomium sans l'autorisation des héritiers de l'architecte. Idem si l'on souhaite photographier la Tour Eiffel de nuit, lorsqu'elle est illuminée. Si on n'a jamais vu l'Atomium s'attaquer à des particuliers qui publient des photos, pas question de le faire dans un journal. Ou même sur Wikipédia. L'encyclopédie en ligne a dû ruser, en ne présentant qu'une photo noircie de l'édifice.

Pourquoi les sommes-nous concernés ?

Les conditions d'utilisation de Facebook précisent que le réseau social peut utiliser les photos qui y sont publiées à des fins commerciales, et que l'utilisateur doit avoir préalablement obtenu les droits concernés (section 5.1 des conditions d'utilisation). Ainsi, un particulier qui publierait une photo de l'Atomium sur son mur et verrait celle-ci réutilisée par le réseau social pourrait, théoriquement, avoir des ennuis. Pour l'eurodéputée allemande Julia Reda (Parti pirate-Verts européens) cela revient à dire qu'il est « de la responsabilité de l'utilisateur de savoir si les droits d'auteur sur le copyright s'appliquent ». Et donc que l'internaute devra contacter les ayants-droit d'un artiste, obtenir leur autorisation, éventuellement les rémunérer, avant de mettre en ligne sa photo.

Pour régler ce flou juridique, l'eurodéputée souhaitait étendre la liberté de panorama à l'ensemble des pays de l'UE. Au contraire, l'eurodéputé libéral Jean-Marie Cavada proposait de restreindre cette possibilité. Il s'inquiétait d'une liberté de panorama trop large, qui permettrait « avant tout aux monopoles américains tels que Facebook d'échapper au versement des droits qui reviennent aux créateurs ».

Devons-nous cesser de publier des photos sur les réseaux sociaux ?

Pour le moment, non. Si la Commission s'en tient aux lignes fixées hier par les eurodéputés, chaque État membre de l'UE conservera ses règles. « Une majorité des pays continueront à autoriser de poster de selfies comportant des bâtiments publics et d'avoir accès à des images de monuments célèbres sur Wikipédia sans être limités par le droit d'auteur », se félicite Julia Reda. Les normes belges, assez restrictives, resteront par contre en vigueur. En Belgique, les amateurs de selfies devront donc continuer à miser sur la tolérance qui est aujourd'hui accordée aux usages non commerciaux.

Adapter les droits d'auteur à l'ère numérique

La résolution adoptée hier par les eurodéputés appelle à réformer le droit d'auteur pour l'adapter à l'ère numérique. Les parlementaires ont consacré l'accès transfrontalier aux contenus audiovisuels en se prononçant contre la pratique du blocage géographique (qui empêche, par exemple, de regarder une vidéo sur le site d'une chaîne télévisée française depuis la Belgique). Les parlementaires plaident également pour «<UN>une rémunération juste des auteurs et détenteurs de droits<UN>». La Commission européenne doit présenter une révision de la directive sur le droit d'auteur, datant de 2001, avant fin 2015. «<UN>La situation des auteurs, artistes et créateurs mais aussi des utilisateurs ou acquéreurs doit être clarifiée afin de mettre fin à des années de flous 'artistiques'», commente l'eurodéputé Marc Tarabella (PS).