Condamnation à mort d'une soudanaise pour le meurtre de son mari qui la violait

par
Lucie.De.Perthuis
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Au Soudan, une adolescente Soudanaise a été condamnée à mort après avoir tué son mari qui la violait. Cette condamnation a déclenché une vague de militantisme de défense des droits des femmes dans le pays.

Son nom est Noura Hussein. Elle a été mariée de force à l'âge de 16 ans. A 19 ans, cette jeune femme a eu le courage de mettre fin aux viols conjugaux qu'elle subissait. La semaine dernière, elle a été condamnée à la peine capitale pour le meurtre de son époux, Abdel Rahmane Hammad.

Le cas de la jeune fille, qui malheureusement n'est pas isolé, a suscité l'indignation. Des militants ont lancé une campagne «Justice pour Noura» et l'ONU appelle à la clémence.

"Noura fait aujourd'hui face à la mort. La situation est dangereuse et les droits des femmes doivent être pris plus au sérieux afin qu'on puisse les protéger", a affirmé la militante soudanaise Wini Omer.

Dans ce pays régi par la charia (loi islamique) et où les traditions tribales sont fortement ancrées dans la société, les mariages forcés, notamment de mineures, sont dénoncés depuis des années par des ONG et militants des droits de l'Homme.

Poignardé à mort après un viol collectif

Selon Amnesty International, lorsque Noura Hussein a refusé de consommer son mariage, son mari a appelé deux de ses frères et un cousin pour qu'ils l'aident à la violer. Le lendemain, alors qu'il essayait à nouveau de la violer, elle l'a poignardé à mort, a expliqué l'ONG.

"Au tribunal, nous avons soulevé le fait qu'il s'agissait d'un mariage forcé et qu'elle avait été violée", a indiqué à l'AFP Adil Mohamed Al-Emam, l'avocat de la jeune fille. Mais "la cour n'a pas reconnu le viol", a-t-il ajouté, précisant qu'il allait faire appel.

Il faut noter qu'au Soudan, la loi autorise le mariage des enfants de plus de 10 ans.

Quelques jours après la condamnation de Mme Hussein, la police a administré 75 coups de fouets à une autre Soudanaise, reconnue coupable d'avoir épousé un homme sans le consentement de son père.

Une oppression systématique des femmes depuis 1989

La militante Wini Omer a eu elle-même affaire à la justice après des comportements jugés inconvenants. Elle a été accusée d'avoir porté une tenue "indécente" à un arrêt de bus de Khartoum, et de prostitution lorsqu'elle a été surprise avec des amis dans son appartement. Elle a été innocentée dans le premier cas et détenue pendant cinq jours pour le second. "Les femmes au Soudan sont systématiquement opprimées depuis 1989", dit-elle, en référence à l'année du coup d'Etat qui a porté le président Omar el-Béchir au pouvoir avec le soutien des islamistes. "C'est l'idéologie du régime qui fait de la discrimination entre hommes et femmes", soutient-elle. Les militants souhaitent un amendement de certaines lois au Soudan, notamment celle accordant aux agents de sécurité d'importants pouvoirs pour mener des arrestations arbitraires. Ainsi, pour Mudawi Ibrahim Adam, "le problème ne vient pas du juge, mais des lois elles-mêmes". Ce militant des droits de l'Homme a été détenu pendant plusieurs mois après une vague de répression visant des opposants en 2016.

Dans la lutte pour la cause des femmes, les militants ont également appelé les Etats-Unis, qui ont levé en octobre des sanctions économiques imposées depuis 20 ans à Khartoum, à faire pression sur les autorités soudanaises. "Nous essayons de coopérer avec le gouvernement pour lui faire comprendre qu'accorder plus de libertés améliore la société", a indiqué à l'AFP Steven Koutsis, le chargé d'affaires américain au Soudan, à l'occasion d'un événement en mars célébrant le courage de certaines Soudanaises. Selon lui, le gouvernement à Khartoum a la volonté d'apporter des changements, mais craint l'instabilité que des réformes pourraient engendrer.

L'affaire Noura est la partie immergée de l'iceberg

Les autorités soudanaises elles affirment que beaucoup de lois, souvent de nature tribale, sont liées aux traditions centenaires du pays. "Si Noura s'était rendue à un tribunal au tout début quand elle a été forcée de se marier, elle aurait été protégée", assure Abdelnasser Solom, membre de la commission gouvernementale sur les droits de l'Homme. Pour les militants, cette affaire est simplement la partie immergée de l'iceberg. "Il y a des milliers de cas comme celui de Noura que personne ne connaît", soutient la militante pour les droits des femmes Amal Habbani. Selon elle, les lois au Soudan ne considèrent pas les femmes comme des êtres humains capables de décider par elles-mêmes. "Et les mauvaises lois créent un mauvais environnement où les femmes sont oppressées", dit-elle.

Une pétition a été lancée. Elle a été signée par plus de 750 000 personnes. Le mouvement "Justice pour Norra" a dépassé les frontières soudanaises et se répand sur les réseaux sociaux. Beaucoup d'internautes expriment leur soutien pour la jeune femme et réclament une évolution de la condition féminine au Soudan.