Des réintroductions d'espèces qui payent en Belgique

La Belgique présente un bulletin inquiétant en matière de biodiversité. D'après le WWF, près de 90% des habitats naturels du pays se sont détériorés, menaçant la survie de nombreuses espèces de papillons, libellules, ou encore oiseaux. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance: l'intensification agricole, l'expansion urbaine, la pollution, le changement climatique La nature décline ainsi à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine, souligne l'IPBES, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.

«Nous sommes en train d'éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier», déplore le président de la plateforme, Sir Robert Watson. Il s'inquiète que la détérioration de la nature s'accompagne de déclins des services qu'elle rend à l'être humain, de la pollinisation à la capture du carbone.
S'il est déjà trop tard pour certaines espèces, il est encore temps d'agir pour d'autres, soulignent les organisations de protection de l'environnement. La restauration des habitats permet le retour d'espèces emblématiques, comme la loutre, le tétras-lyre, le chat sauvage, ou encore le loup. La naissance probable de louveteaux dans le Limbourg serait la confirmation que les efforts de préservation de l'environnement peuvent payer. Mais au-delà de ces espèces stars, la préservation des habitats peut profiter à de nombreux insectes et batraciens, nettement moins glamour mais tout aussi importants à préserver.

Quatre animaux réintroduits ou protégés avec succès en Belgique
La loutre
La population de loutres d'Europe a beaucoup souffert de la chasse est de la bétonisation des berges. Depuis 2012, l'espèce commence pourtant à se réintroduire dans les cours d'eau du pays. «Sa protection est essentielle car la loutre est une espèce parapluie. Cela signifie qu'en la protégeant, on aide de nombreuses autres espèces comme les poissons, les oiseaux ou encore les amphibiens», souligne Céline De Caluwé, responsable du projet loutre au WWF. L'ONG de protection de l'environnement travaille sur la restauration de l'habitat, en réensauvageant les berges et en y créant des zones humides. Elle soutient également la connexion de ces zones entre elles, qui doit permettre à l'animal de disposer d'un territoire assez grand pour prospérer.

Le tétras-lyre
Ce gallinacé est emblématique des Hautes Fagnes. Mais la plupart des tétras, aussi appelés coqs de bruyère, ont disparu d'Europe de l'Ouest du fait de la dégradation de leur habitat (de vastes espaces ouverts, tels que les landes et tourbières) et du changement climatique (des hivers froids sans neige pour s'abriter). L'espèce a bien failli totalement disparaître de Belgique avec seulement trois spécimens en 2018. Depuis, un programme de réintroduction a été lancé par l'Université de Liège et l'Institut royal des Sciences naturelles. Entre avril 2017 et mai 2018, ce sont au total 28 tétras-lyres qui ont été transférés de Suède vers la Belgique. Les réintroductions vont se poursuivre jusqu'à atteindre 80 à 160 spécimens, ce qui est considéré comme une population viable.

Le loup
C'est une espèce emblématique, et son retour en Belgique se confirme. Un premier spécimen, une femelle nommée Naya, avait été observé en 2016, puis deux autres, dont l'un a été tué percuté par une voiture. Les dernières photos de la louve ont montré qu'elle était enceinte, et devrait avoir déjà mis bas. L'arrivée de ces louveteaux, si elle se confirme, serait une bonne nouvelle pour la réintroduction de l'espèce. «Pour confirmer le retour de ce grand prédateur, il faudra s'assurer d'une cohabitation pacifique avec les éleveurs», prévoit le WWF. L'association pourrait leur venir en aide, avec Natagora et Natuurpunt, pour installer des clôtures afin d'éviter que les loups n'attaquent les moutons. Elle plaide également pour que les éleveurs soient dédommagés en cas d'attaque de leur cheptel. Il faudra ensuite voir comment l'espèce pourra durablement s'implanter, alors que le territoire belge est particulièrement fragmenté par les routes et zones d'habitat.

Le chat forestier
On oublie souvent que le chat sauvage est bien présent en Belgique, avec entre 500 et 1.000 spécimens. Il aime surtout les vastes forets du sud du pays, mais commence à prendre ses marques en Flandre grâce à la connectivité des zones boisées. Son principal ennemi est la voiture, et une utile solution pour aider à son retour est de créer des tunnels et écoducs au-dessus des infrastructures routières. Ces corridors verts seront également utiles au reste de la faune, puisqu'ils créent un vaste réseau de déplacements possibles.
