"Il faudrait rendre le vaccin contre le coronavirus obligatoire", estime un expert

Vincent Lorant est professeur de sociologie de la santé à l'Institut de Recherche Santé et Société de l'UCLouvain. Il estime essentiel de rétablir la confiance dans la vaccination.
par
sebastien.paulus
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Depuis quelques années, la vaccination est de plus en plus souvent remise en cause.

«Il y a effectivement un problème d'éducation vaccinale. Des vaccinations qui semblaient acquises, comme le RRO ou la grippe, commencent à être remises en cause. Globalement, l'opposition à la vaccination est le fait de deux groupes assez distincts. Il y a, d'un côté, ceux qui sont souvent proches des théories complotistes. Ce groupe est assez peu important, mais sera très dur à convaincre d'accepter la vaccination contre le nouveau coronavirus. D'un autre, il y a de nombreuses personnes qui font preuve d'hésitation vaccinale: elles ont des doutes, mais ne sont pas radicalement opposées à la vaccination.»

Comment convaincre ces personnes d'accepter la vaccination?

«Il faut être à l'écoute de ces gens qui ont des doutes. Ils ne sont pas irrationnels ou incompétents, mais ils veulent avoir des réponses à leurs questions. Il y a souvent, derrière leur hésitation, la référence à un article de Wakefield, publié dans le Lancet en 1998 (une publication médicale reconnue), qui liait la vaccination à l'autisme. Cette étude a été contredite et rétractée par la suite, mais cela n'a pas fait autant de bruit que l'étude elle-même. Il faut donc faire preuve de pédagogie, expliquer, et restaurer la confiance envers les autorités et les entreprises pharmaceutiques.»

Comment expliquer la défiance actuelle envers les autorités et l'industrie pharmaceutique?

«Pour le moment, les autorités belges, comme la Commission de remboursement des médicaments (CRM-INAMI), prennent leurs avis sur base d'études fournies par le secteur privé. Cela n'aide pas à renforcer la confiance des citoyens dans l'indépendance des décisions politiques. Le temps et les ressources dont dispose la CRM pour revoir ces études sont limités. De plus, les firmes pharmaceutiques siègent dans la CRM. Mais il est très difficile d'avoir une recherche indépendante: la recherche médicale demande des moyens considérables, et seules de grosses sociétés ont les reins assez solides pour se lancer dans le développement de vaccins et médicaments. Le problème, c'est que cela n'aide pas à redonner confiance à la population. Différents travaux en matière de pharmaco-économie ont montré que les études financées par des firmes pharmaceutiques arrivent, étrangement, à des résultats plus favorables que celles qui sont financées par des fonds indépendants. Le public peut donc légitimement se poser des questions.»

Dans ce cadre délicat, comment va se passer la vaccination contre la Covid-19?

«Un article récent du Jama estime qu'il faudra que 50 à 70% de la population soit immunisée pour atteindre l'immunité de groupe contre la Covid-19. Or, les jeunes seront difficiles à convaincre car le bénéfice de la vaccination est faible pour eux. C'est un groupe relativement moins touché par la maladie, avec beaucoup d'asymptomatiques, et je crains que le rejet du vaccin soit important.»

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