Le Parlement européen donne son feu vert à Didier Reynders

La candidature du commissaire désigné par la Belgique, Didier Reynders, a été approuvée hier par le Parlement européen après une audition réussie. Devant les eurodéputés, le ministre belge des Affaires étrangères, proposé au poste de commissaire européen à la Justice, a d'emblée abordé les accusations portées à son encontre par un ex-agent de la Sûreté de l'État.
par
oriane.renette
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L'audition par le Parlement européen de Didier Reynders, candidat belge proposé au poste de commissaire à la Justice, s'est déroulée mercredi matin sans que le ministre des Affaires étrangères et de la Défense n'ait paru en difficulté face aux députés. Les élus ont balayé avec M. Reynders les différents volets des politiques de Justice, État de droit et Protection des consommateurs que le libéral est appelé à assurer dans l'équipe von der Leyen.

Au début de l'audition, le Belge avait pris soin d'aborder lui-même les accusations dont il a fait l'objet ces derniers jours de la part d'un ex-agent de la Sûreté de l'État. Seule une députée, membre britannique du Parti du Brexit, l'a réinterrogé à ce propos par la suite. M. Reynders lui a répliqué que le parquet l'avait mis hors cause et qu'il continuerait de se défendre.

Défendre l'État de droit

Sur le fond des politiques qu'il entend mener, le «commissaire-désigné» a confirmé qu'il entendait voir publié, dès la première année de travaux de la Commission, un rapport sur le respect de l'État de droit dans tous les États membres, appelé à devenir annuel. La première publication de ce rapport sera plus approfondie en ce qui concerne les États où des risques particuliers ont déjà été identifiés.

En réponse à une question d'un député, M. Reynders a précisé que ce rapport irait au-delà de l'État de droit, s'attachant par exemple au pluralisme des médias, au respect de la démocratie. Il a aussi insisté sur une volonté de dialogue avec les États concernés - «je me rendrai dans ces pays dès le début de mon mandat» - et souligné l'existence d'autres outils pour soutenir son travail: la procédure article 7, qu'il poursuivra à l'égard de la Pologne et de la Hongrie, voire initiera à l'égard de nouveaux pays, la consultation de la commission de Venise ou du Groupe d'États contre la corruption (GRECO), le recours à la Justice européenne, etc.

En cas de manquement généralisé à l'État de droit, il a demandé aux co-législateurs (le Parlement et le Conseil) d'approuver la mise en place d'une conditionnalité budgétaire, qui permettrait de suspendre voire de supprimer des financements européens à un État. «C'est un moyen de pression assez fort pour réagir en cas de manquement».

Interrogé par un député socialiste sur la responsabilité sociétale des entreprises, le libéral a reconnu qu'il était important, en droit des entreprises, d'aller plus loin dans les exigences d'information pour l'intérêt de la société. Il a cité non seulement les droits de l'homme, mais aussi le climat, le respect des communautés locales ou le caractère durable de la chaîne d'approvisionnement.

Il n'a toutefois pas précisé si la Commission reverrait la directive sur le reporting non-financier dans le sens voulu par plusieurs ONG. L'exécutif européen évalue actuellement cette directive, qui est du ressort d'autres commissaires. Quoi qu'il en soit, «les démarches volontaires des entreprises ne suffisent pas, il faudra passer au-delà», a-t-il dit en évoquant une obligation inscrite dans la législation.

Quant au respect de l'État de droit dans les accords internationaux (commerce, police, etc.) avec des pays tiers, il a confirmé à l'eurodéputée belge Saskia Bricmont (Ecolo, Verts/ALE) sa volonté que la Commission mène une étude d'impact systématique du respect des droits humains.

Améliorer les procédures

Plusieurs députés - espagnols, mais aussi la N-VA Assita Kanko - l'ont interrogé sur le mandat d'arrêt européen, mis en question dans le cas des dirigeants catalans en exil en Belgique. M. Reynders a souligné que cet outil était un succès, mais il a aussi reconnu que les procédures pouvaient être améliorées, notamment dans leur efficacité et le respect des droit des personnes visées.

Sur plusieurs dossiers, l'ancien avocat a cité l'état le plus récent des arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne. Il a également cité le rapport de Joëlle Milquet, conseillère du président de la Commission pour les victimes d'actes de violence et de terrorisme.

Deux députés l'ont interrogé sur le récent projet de loi belge sur les informations classifiées et les lanceurs d'alerte, dénoncé par les associations de journalistes. «Le texte sera adapté en fonction des remarques du Conseil d'État et de l'association des journalistes», a confirmé Didier Reynders.

«Je souhaite garantir la protection des lanceurs d'alerte, quelles que soient les expériences personnelles que j'ai vécues», a-t-il glissé. Tout en insistant sur la nécessité de vérifier si l'on a affaire «à de véritables lanceurs d'alerte» et de prévoir des clauses de sauvegarde.

L'intelligence artificielle, le futur parquet européen, le droit à un recours collectif, ont aussi été abordés par les députés, lors de cette audition d'environ trois heures.

Un grand oral réussi

A un député français d'extrême droite qui lui reprochait son «cumul» de fonctions ministérielles et d'informateur royal, Didier Reynders a répliqué que «évidemment, il y a peu d'informateurs royaux dans d'autres États membres». Un trait qui a fait rire l'assemblée.

«Si le Parlement me donne sa confiance, j'abandonnerai le plus vite possible ces fonctions en Belgique», a ajouté le vice-Premier.

Suite à cette audition, lors de laquelle il n'a jamais paru en difficulté, la candidature de Didier Reynders a été approuvée dans l'après-midi par les commissions compétentes du Parlement européen. L'ensemble des groupes politiques, à l'exception d'Identité et Démocratie (extrême droite), auraient voté en sa faveur.