Le retour en force de l'épicerie locale

Le supermarché, symbole d'efficacité et d'une modernité caractéristique des années 80, ne séduit plus autant. Un nombre croissant de consommateurs se tourne vers les épiceries locales, à la recherche de modes de consommation alternatifs.
On est encore loin d'une remise en cause complète de la grande distribution. Mais les épiceries de quartier reprennent du poil de la bête, sous l'essor de la demande de produits bio et vendus en vrac. Au cours des 20 dernières années, plus de 60 commerces proposant des produits bio se sont ainsi installés en Région bruxelloise, selon une étude réalisée par les autorités régionales.
«Il y a une forte demande pour les produits bio vendus en vrac», souligne Virginie Pissoort, gérante du magasin Biovrac, à Uccle. «Notre précédent magasin était devenu trop petit, nous avons dû déménager pour trouver un local plus grand», souligne-t-elle en guise d'exemple. Il faut dire que ces épiceries de quartier ont bien grandi. Biovrac propose ainsi plusieurs centaines de référence, qui vont des légumes aux produits d'entretien, en passant par les céréales, huiles et vins. Cette gamme élargie des produits proposés n'est pas étrangère au succès de ces magasins devenu généralistes. «On y trouve à peu près tout, comme dans un supermarché classique», témoigne une habituée des magasins bio et vrac. «Mais les produits sont bio, souvent locaux, vendus en vrac En bref, ils sont conformes à mes valeurs.»
Bon marché pour le client, rémunérateur pour le producteur
Ces magasins de proximité ont longtemps été perçus comme plus cher que les grandes surfaces. C'est de moins en moins vrai. «C'est vrai que les produits bio sont un peu plus chers», reconnaît Pierrick Couvreur, gérant du magasin Supermonkey, à Saint-Gilles. «Mais il faut comparer ce qui est comparable. Ce ne sont pas les mêmes produits, ils sont d'une qualité supérieure. Et nous sommes moins chers que les produits bio vendus en grande surface.» De fait, les prix proposés dans ces nouvelles épiceries sont de plus en plus concurrentiels, notamment pour les produits vendus en vrac.
Le magasin Alimentation géniale, au pied de la Porte de Hal, propose lui aussi des produits bio, en vrac, locaux, et à un prix accessible. Le magasin a ouvert il y a un an. «Ça fonctionne déjà très bien», assure Anne Caraire. L'engagement des clients pour un modèle de consommation bio et local n'est pas étranger au succès de la boutique. «On peut compter sur une clientèle convaincue, qui ramène chez nous ses proches, sa famille ». Elle est d'autant plus satisfaite de ce résultat que le magasin (qui est lié à la société de livraison de paniers bio l'Heureux nouveau), accorde une grande importance au fait de rémunérer correctement les producteurs. «Comme lieu de vente, nous sommes un élément de la chaîne de consommation. Nous nous inscrivons dans une démarche globale pour un autre modèle, plus juste, et plus respectueux de la nature.»
L'essor devrait se poursuivre
Ce développement des magasins bio ne risque-t-il pas de se dégonfler une fois un certain «effet de mode» passé? C'est peu probable, selon Anne Caraire. «Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une mode, mais plutôt d'une évolution des consciences. Les consommateurs réalisent qu'il faut revoir notre mode de consommation.»
La banque Triodos confirme que la tendance devrait se poursuivre. «L'alimentation durable est l'un des secteurs que nous finançons», explique Lieve Schreurs, responsable de la communication de la banque Triodos, particulièrement active dans le secteur du développement durable. «Le premier magasin zéro déchet' de Belgique a ouvert en 2005 à Anvers. Depuis lors, le phénomène a pris de l'ampleur, et on compte désormais autour de 120 magasins de ce type en Belgique.» Et la tendance ne semble pas près de s'essouffler. «Nous avons constaté une hausse des demandes de financement au cours des deux dernières années. De nouveaux projets sont en préparation», souligne-t-elle en guise de conclusion.
Témoignages de responsables
Anne Caraire, Alimentation géniale, Saint-Gilles

«Vendre en vrac est une évidence pour nous. C'est le contraire qui serait inconcevable. Mais notre objectif est surtout de proposer des produits locaux et de saison, achetés directement auprès des producteurs. Nous travaillons, par exemple, avec la ferme du Montaval, qui se trouve près de Philippeville. Ils nous fournissent notamment des oignons jeunes.»
Virginie Pissoort, Bio Vrac, Uccle

«La demande de produits bio vendus en vrac augmente. L'offre suit également, ce qui est très important. Nous pouvons désormais vendre pratiquement tous les produits recherchés par les clients. On peut ainsi proposer des contenus liquides, comme des huiles ou des produits d'entretien, ce qui est assez nouveau. Nous aurons bientôt de la confiture en vrac. Le principal défi est d'habituer les clients à venir faire leurs achats avec leurs contenants.»
Pierrick Couvreur, Supermonkey, Saint-Gilles

«Nous cherchons à vendre un maximum de produits locaux. Nous travaillons autant que possible avec des producteurs belges, que nous rémunérons correctement. Évidemment, nous devons aussi proposer une gamme de choix assez large pour séduire nos clients. Mais les produits de producteurs locaux sont mis en avant et indiqués comme tel dans nos rayons. Depuis peu, nous vendons des micropousses, véritable concentré de nutriments et de saveurs, qui se mangent en salade. Elles sont produites par Eclo, une ferme urbaine bruxelloise.»