L'éreutophobie ou la peur de rougir tout le temps

L'éreutophobie, c'est tout simplement la peur de rougir. Derrière ce terme bien complexe venu du grec ancien, on retrouve les notions de peur (phobos) et de rougeur (éreuthos). Le fait de rougir est naturel, mais pour certains, ce symptôme physique est vécu comme un calvaire qu'ils cherchent à éviter à tout prix. «Les personnes qui en souffrent ont peur de rougir face à d'autres personnes, ils n'ont pas peur de rougir quand ils sont seuls chez eux. C'est pour cela qu'on parle de phobie sociale», avance Alexandra Meert, psychologue et psychothérapeute comportementaliste.
Des symptômes physiques et psychiques!
De façon générale, quand on rougit, notre rythme cardiaque s'accélère, et notre transpiration peut elle aussi augmenter. Tout cela a pour conséquence de placer ces gens dans un malaise social évident. «Sur le plan psychologique, le problème qu'on remarque en premier, mais que les patients, eux, ne remarquent pas forcément, c'est qu'ils ont des croyances sur le rougissement et sur ce que les autres vont penser de ce rougissement. C'est une grosse partie du problème des éreutophobes, qu'on doit directement prendre en charge lors de la thérapie», détaille Alexandra Meert.
Car pour certains éreutophobes, le malaise peut à ce point être destructeur qu'ils en viennent à consulter un psychologue spécialisé dans l'anxiété sociale. Avant de consulter, certains se sont déjà renseignés et savent que le but de la thérapie comportementale n'est pas de se débarrasser de ces rougissements mais au contraire de composer avec au quotidien. Pour d'autres, il faut commencer par cette étape d'acception du fait qu'ils rougiront probablement toujours et que ce n'est pas problématique.
Les éreutophobes, ces champions de l'évitement
Dans une thérapie comportementale, le psychologue travaille d'abord sur les croyances du patient liées au rougissement. Il décortique la phobie et analyse toutes les stratégies mises en place au quotidien par l'éreutophobe pour éviter de se retrouver dans des situations qui l'amèneraient à rougir. Certains anticipent et évitent de porter des vêtements rouges, se maquillent ou laissent pendre leurs cheveux pour «atténuer» le rougissement, d'autres évitent carrément les situations délicates comme les dîners de famille ou les présentations. Une promotion au travail, a priori source de joie, peut au contraire être très stressante pour une personne éreutophobe, car elle l'obligerait à mener des réunions ou avoir un rôle de leader qui ne colle soi-disant pas avec le rougissement.
«L'évitement est pourtant loin d'être la meilleure des idées. Quand ils évitent une situation socialement stressante, ils ressentent à court terme un soulagement d'avoir pu éviter un rougissement de plus, mais à long terme, ça ne fait qu'entretenir le problème», signale la psychologue. Déporter son attention du soi vers les autres, rester dans l'interaction et suivre le contenu de la discussion dans laquelle on intervient sont autant de techniques recommandées pour éviter de rester bloqué sur ses propres démons.
La sympathectomie thoracique comme recours ultime?
Pour les éreutophobes très impactés, la sympathectomie thoracique, qui consiste à sectionner la chaîne nerveuse sympathique située dans le thorax, permet de faire disparaître le rougissement. «Mais même si on décide de se faire opérer en ce sens, ça ne règle pas le problème, à savoir la peur de rougir», prévient Alexandra Meert. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'on arrive à se séparer du rougissement purement physique que la phobie, elle, disparaît. «Par ailleurs, cela règle peut-être le rougissement mais en contrepartie, une telle intervention peut créer une hypersudation chez la personne opérée, qui pourra à son tour devenir source de gêne dans un contexte social.»