Les dérives de la mode du boeuf maturé

«Il faut faire attention à la mode de la viande maturée», prévient le boucher Hendrik Dierendonck qui affiche trois boucheries à son actif (Bruxelles, Saint-Idesbald et Nieuport).
«Aujourd'hui, on va jusqu'à dix, douze, quatorze semaines avec des races qui ne sont pas toujours faites pour ça. Certaines ne sont pas assez engraissées pour être maturées. Les clients pensent alors acheter de la viande maturée mais c'est en fait de la pourriture. Le savoir-faire est très important», souligne celui qui a commencé à maturer sa viande il y a 13 ans.
"Certains font n'importe quoi"
Luc Broutard, chef de «La table du boucher» à Mons, qui écoule environ 10 à 12 déhanchés de buf maturé par semaine et en possède en permanence environ 50 ou 60 dans ses trois chambres de maturation, défend corps et âme ce savoir-faire et cette technique «qui lui plaisent».
«Aujourd'hui, la viande maturée, ça marche, mais il y a beaucoup de choses qui ne sont pas bonnes. Certaines personnes font n'importe quoi. Différentes viandes ne nécessitent pas une longue maturation», s'emporte Luc Broutard qui ne rechigne pas à parler de dérives tant l'on recherche à tout prix «de l'hyper gras et de l'hyper maturé».
Huit semaines max
Hendrik Dierendonck, lui, préconise huit semaines de maturation maximum, même si une Rubia Gallega peut pousser un peu plus la technique en fonction de l'âge, la marbration, la couverture de gras, la structure...
Le boucher qui a fait de la Rouge de Flandre son produit phare (40% de ses ventes de buf) met surtout un point d'honneur à ce que ses bêtes aient un certain âge à l'abattage (6-7 ans minimum), aient produit du lait et engendré des veaux.
«Ça donne du caractère à la viande. Quand un buf a donné du lait, il devient maigre. Ensuite il faut l'engraisser pour qu'il forme un nouveau gras», souligne-t-il.
«C'est la viande qui va décider ce qui est mieux pour elle. C'est comme le vin. Certains vins seront meilleurs à garder en cave, d'autres pas. Il faut analyser comment est la viande plutôt que de penser 'plus c'est vieux, plus c'est bon'. On peut aller jusqu'à 40-50 jours de maturation, mais ce n'est pas automatique. Laisser reposer la viande 15 jours, c'est déjà une bonne maturation. Il ne faut parfois pas plus», martèle Luc Broutard.