Quel avenir pour le frêne?

Le frêne commun ou élevé, qui appartient à la famille des Oléacées au même titre que le lilas, le troène ou l'olivier, croît à l'état sauvage dans la plus grande partie de l'Europe, du nord de l'Espagne au sud de la Scandinavie. En Belgique, le Condroz est célèbre pour ses forêts de frênes presque pures ou en association avec le chêne pédonculé et qui y représentent près de 40% de la surface boisée.
Après le saule, avant le chêne
Le frêne commun est couramment planté dans les espaces verts des villes, les haies et en peuplements mélangés dans les forêts. Mais il s'établit aussi volontiers sur les alluvions colonisées par le saule et le peuplier. En tant qu'espèce post-pionnière, il a aussi son rôle à jouer: ses feuilles, en se décomposant, produisent un humus de bonne qualité qui améliore la qualité du sol. Il prépare donc le terrain pour des espèces plus exigeantes (comme le chêne) qui le suivront dans les étapes de la colonisation et lui feront de l'ombre préjudiciable à son maintien.
Des indices en toutes saisons
Atteignant rarement plus de 200 ans, le frêne peut néanmoins s'élever jusqu'à 30 ou 40 mètres, concurrençant même le hêtre pour le record de hauteur des arbres feuillus en Wallonie.
À peu près 2 semaines avant que ne paraissent les feuilles (fin avril, début mai) a lieu la floraison. Et là, le frêne ne fait pas dans la simplicité! Il y a des individus qui ne portent que des fleurs femelles, d'autres que des fleurs mâles. Jusque-là rien de très original, mais on ne peut pas parler d'une espèce dioïque car d'autres arbres portent en même temps des fleurs mâles et des fleurs femelles, en proportion variable, et variable aussi d'une année à l'autre. Enfin, certains pieds portent des fleurs hermaphrodites, à étamines et pistil. Les fleurs sont minuscules, réduites aux organes reproducteurs et regroupées en grappes de part et d'autre des bourgeons. Elles produisent un pollen abondant qui est disséminé par le vent.
Aux grappes de fleurs succèdent des grappes de 10 à 20 fruits, d'abord dressées puis pendantes. Chaque fleur fécondée produit une samare, akène (fruit sec contenant une graine) muni d'une excroissance en forme d'aile membraneuse, de plus ou moins 2 cm, verte puis brune. La petite aile, légèrement torse et garnie d'une épine à son extrémité, a bien sûr pour but d'assurer une dissémination plus efficace par le vent.
Ph. P. Hauteclair

Fraxinus excelsior
Si notre arbre porte le nom scientifique d'excelsior (supérieur), est-ce à cause de sa stature élancée? Les avis sont partagés car certains y voient plutôt une indication de son caractère sacré dans les cultures nordiques et saxonnes. C'était l'arbre fondateur dont étaient nés l'Univers, les hommes et les Dieux. C'est aussi un arbre guérisseur, certains l'appellent l'arbre des centenaires. Plus tard, on le surnomma quinquina d'Europe, car son écorce était utilisée pour lutter contre la fièvre. Ses feuilles ont, elles aussi, des vertus médicinales, antigoutteuses et antirhumatismales. On les utilise aussi pour obtenir de la frênette, boisson fermentée revigorante.
Une niche écologique accueillante
Des excroissances crevassées qui apparaissent sur l'écorce trahissent la présence d'un coléoptère de la famille des scolytes dont l'adulte creuse à cet endroit des galeries pour se protéger des rigueurs hivernales. On appelle ce phénomène poétiquement la rose du frêne. Le psylle du frêne, autre hôte peu discret, induit une galle qui se remarque par un enroulement du bord de la feuille, souvent coloré de rouge. De nombreux autres insectes visitent cet arbre pour se nourrir et ses graines sont recherchées par les oiseaux mais aussi par l'écureuil. Une étude réalisée en Grande-Bretagne a permis d'identifier un total de 953 espèces associées au frêne, dont 44 fortement inféodées.
Ph. J. Rommes

Le frêne en péril
La chalarose du frêne, maladie causée par un champignon microcopique (anciennement appelé Chalara fraxinea), est apparue en Pologne en 1992. Depuis lors, elle s'est propagée sur la quasi-totalité de l'aire de répartition du frêne en Europe. Elle a été détectée en Belgique en 2010 et l'Observatoire wallon de la santé des forêts a démontré récemment la généralisation du phénomène.
Les symptômes sont les suivants: dessèchement des rameaux les plus externes du houppier, flétrissement des feuilles, nécroses corticales à la base des rameaux, nécroses sur le tronc ou au collet, sensibilité éventuelle à d'autres champignons et insectes. La mortalité peut être importante et très rapide chez les jeunes sujets. La propagation de la maladie se fait par le vent mais aussi par les plants de pépinière et le bois infectés.
L'avenir du frêne dans nos régions est désormais lié au repérage et au maintien des individus potentiellement résistants dans les peuplements. La régénération naturelle issue de ces individus permettra peut-être de constituer de nouvelles populations moins sensibles à la chalarose.