Werk ohne Autor, le nouveau drame romantique de Florian Henckel von Donnersmarck

Vous rappelez-vous ‘Das Leben der Anderen' (‘La vie des autres')? Douze ans après son premier long métrage, couronné de l'Oscar du meilleur film, le réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck -le nom est déjà tout un programme – décroche à nouveau une nomination avec ‘Werk ohne Autor' (‘Never Look Away'), un drame prenant sur l'amour, la vie et l'art.
par
ThomasW
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Quelle ironie du sort pour Florian Henckel von Donnersmarck que cette rencontre à Venise pour parler de ‘Werk ohne Autor'. La cité des Doges était en effet le décor de son film précédent, le très critiqué ‘The Tourist', qui n'avait pas du tout marché. Mais cette déception, l'Allemand de 45 ans l'a déjà digérée depuis longtemps («un problème d'attentes erronées» explique-t-il).

Dans le drame romantique ‘Werk ohne Autor', il fait une nouvelle tentative convaincante pour atteindre la gloire que lui valut son premier film, l'acclamé ‘Das Leben der Anderen'. Cette fois, le personnage central est un jeune homme qui rêve de devenir artiste-peintre, mais qui est contrecarré par le Troisième Reich d'abord et le régime communiste ensuite.

Florian Henckel von Donnersmarck: «Je me suis inspiré de la vie du peintre allemand Gerhard Richter, mais j'en ai fait une fiction. Ce n'est donc certainement pas un biopic. Je suis convaincu que la fiction vous rapproche davantage de la vérité que les faits. Les faits sont trop désordonnés et dépendent trop du hasard. Je voulais raconter une histoire plus générale et cohérente sur l'Allemagne, sur la vie et sur l'art.»

Martha (Ina Weisse) und Carl Seeband (Sebastian Koch)

 

Vos acteurs auront apprécié le fait que le film ne parle pas d'une personne spécifique. Cela leur a épargné beaucoup de recherches, en tous les cas.

«Ce qui est drôle, c'est que j'ai malgré tout choisi inconsciemment des acteurs qui, en termes de personnalité ou d'attitude, correspondent aux personnes sur lesquelles sont basés leurs personnages. Tom Schilling, par exemple, qui joue le rôle principal, a longtemps rêvé de devenir artiste-peintre. Il a un vrai talent pour le dessin et la peinture. Cela a certainement donné davantage d'authenticité au film. Tom a pris une année entière pour se préparer, en suivant un cours de peinture, par exemple. Je voulais qu'il découvre la façon dont les jeunes artistes se fréquentent et à quoi ressemble ce genre de formation artistique. Il a même passé quelques jours avec un cadreur, pour apprendre comment tendre une toile sur un châssis.»

Que trouviez-vous de si intéressant dans la vie de Richter?

«Le fait qu'il ait réussi à intégrer toutes les épreuves qu'il a vécues dans ses tableaux. Il a dû affronter deux des pires régimes du 20e siècle. La jeune tante à laquelle il était très attaché, a été froidement assassinée par les nazis. Il a dû se battre pendant de nombreuses années pour être reconnu. Toutes ces heures sombres sont le carburant artistique de Richter. C'était le concept autour duquel je voulais faire un film.»

Le beau-père de Richter joue un très sale rôle dans sa vie, mais ‘Werk ohne Autor' ne contient pas de scène où Kurt, le personnage principal, apprend la vérité et y confronte son beau-père. Était-ce trop hollywoodien pour vous?

«J'ai tout simplement fait ce que je trouvais le plus vrai. Vous pouvez savoir des choses sans vraiment vous en rendre compte. Kurt n'est peut-être pas au courant des faits, mais il les révèle inconsciemment dans son œuvre. Richter a dit un jour ‘Mes tableaux sont plus intelligents que moi'. Je trouve que c'est très bien observé. Si vous ne pouvez dire que ce que vous pensez consciemment, vous n'êtes pas si intéressant. Si vous ne portez pas directement un jugement ou ne faites pas une analyse consciente de ce que vous voyez et sentez, vous pouvez transformer cela en quelque chose de beaucoup plus grand. J'ai discuté avec différents artistes et ils disent tous la même chose: quand ça fonctionne, ils ont l'impression que c'est quelqu'un d'autre qui crée l'œuvre d'art.»

Il y a pas mal de nudité dans le film. Avez-vous le sentiment que depuis #MeToo, vous devez procéder de manière plus méticuleuse avec ce genre de scènes?

«Si vous les comparez, il y a en réalité plus de nudité masculine que féminine dans le film. Je trouverais que cela est un problème que si je ne montrais que des femmes nues. Cela donnerait l'impression que je cherche à m'émoustiller moi-même, par exemple. Honnêtement, je suis fier des scènes de nu et des scènes d'amour dans ‘Werk ohne Autor'. C'est peut-être même l'aspect dont je suis le plus satisfait. Ces scènes montrent qu'il y a toujours un domaine où vous pouvez être totalement vulnérable et à nu, même si vous êtes opprimé et humilié de tous côtés. Et ce domaine, c'est l'amour, sous toutes ses formes. Pour les deux personnages principaux, c'est une île dans un océan de destruction. Là, ils peuvent être ensemble.»

Ruben Nollet

En quelques lignes

Étudiant aux Beaux-Arts dans le Berlin communiste des années 50, Kurt tombe amoureux d'Elisabeth. Mais ce qu'il ignore, c'est que le père d'Elisabeth et la famille de Kurt sont liés par un secret du passé… S'il fallait décerner la palme du film cachant le mieux son jeu, ‘Werk Ohne Autor' (littéralement ‘œuvre sans auteur') du réalisateur de ‘La vie des autres' l'emporterait haut la main. Derrière ses airs de téléfilm premier degré, il y a en fait une réflexion fascinante sur la raison d'être des artistes, et le rejet du totalitarisme. Les acteurs sont tous sublimes, Sebastian Koch en tête dans le rôle du docteur. Il jouait l'amant joli cœur dans ‘La vie des autres', le voici réjouissant en salaud sadique et manipulateur. La durée atypique du film (3h09, il fallait oser) en repoussera plus d'un, et pourtant on ne s'ennuie pas une seconde devant ce divertissement plus profond qu'il n'y paraît. Une belle surprise venue d'Allemagne qui devrait contenter tout le monde, romantiques et cyniques confondus.(si) 4/5