Falcon Lake enterre définitivement le machisme des films comme American Pie dans le panthéon des teen movies

Pour son premier film en tant que cinéaste, l’ancienne Miss Météo de Canal+ Charlotte Le Bon envoie du lourd! ’Falcon Lake’ est un teen movie chargé de torpeur adolescente, d’éveil sexuel… et de fantômes! Un coup d’essai vibrant et prometteur, magnifié par les décors somptueux des lacs québécois.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

Quel est votre teen movie préféré?

Charlotte Le Bon: «Je crois que c’est ’Stand By Me’ (de Rob Reiner, sorti en 1986, NDLR). Je ne suis pourtant pas particulièrement fan de teen movies à la base. Je n’ai pas des souvenirs particulièrement glorieux de mon adolescence. C’était un espèce d’entre-deux un peu sombre où j’avais énormément de mal à identifier les émotions qui m’habitaient. C’est un âge où on ne comprend pas trop nos pulsions, et ça peut nous isoler en fait.»

Votre héros est un garçon de 14 ans comme les autres, loin des clichés du cinéma américain…

«Je trouvais ça fascinant de montrer que les garçons peuvent vivre leurs histoires d’amour de manière aussi intense que les jeunes filles. J’avais plus d’amis garçons que filles à cet âge-là. Et je me rappelle que quand ils me racontaient leurs histoires d’amour, en fait ils avaient le cœur brisé. Ils m’en parlaient tout le temps, parfois plus que mes copines filles. Je trouvais ça intéressant de montrer un nouveau visage de cette virilité naissante. On n’est pas si différents que ça finalement.»

Vous vous reconnaissez davantage dans le personnage de Bastien ou Chloé?

«Bastien pour sa volonté d’appartenir à un groupe. J’étais facilement intimidée mais c’était doublé d’une envie d’impressionner… même si très souvent j’échouais (rires)! Chloé je l’aime parce que c’est une fille qui ne correspond pas aux clichés de son âge. C’est une ado qui veut fasciner tout son entourage, certes, mais elle le fait sans minauder, préférant miser sur son étrangeté et sur sa noirceur.»

Pourquoi avoir combiné votre récit avec les codes du film de fantôme?

«Les fantômes ne me plaisent pas qu’au cinéma, ils me plaisent dans la vie. J’ai perdu mon père quand j’avais dix ans. J’ai donc été mise en contact avec la mort assez rapidement dans ma vie. Je pense que je me réconfortais dans l’idée qu’il restait là avec moi, qu’une sorte de présence m’accompagnait partout. Comme une notion rassurante dans le deuil, et qui m’a accompagnée assez longtemps. J’ai donc une réelle affection pour les fantômes. Cela dit, ce n’est pas juste un truc accessoire qui me faisait kiffer. La combinaison marche très bien à la base. Les ambiances chaudes et mystérieuses de ce lac hanté reflètent bien ce qui se passe à l’intérieur de Bastien et Chloé.»

L’éveil sexuel des héros est abordé frontalement. Comment avez-vous préparé vos jeunes acteurs?

«C’était important que mes deux acteurs soient intelligents. Ça faisait partie des considérations lors du casting. Quand j’ai rencontré Joseph et Sara, j’ai vu qu’ils étaient très intelligents même s’ils avaient 12 et 14 ans. Partant de là, on peut avoir n’importe quel type de conversation sans aucun tabou. Je savais que tant que j’étais bienveillante ils me comprendraient, et que tout se passerait bien.»

La scène de fête est épique, avec des centaines de figurants. Pas trop l’enfer pour la diriger?

«C’était horrible! On avait trouvé des gens dans la région qui n’avaient jamais fait de cinéma. C’est là qu’on comprend qu’être figurant, c’est tout un art! Bref, j’avais toute une chorégraphie en tête. Quand on entre dans la fête, il y a quelqu’un qui se fait jeter par la fenêtre, il y a un couple qui s’embrasse dans la salle de bain, je voulais que Bastien soit complètement perdu et intimidé. Et je voulais absolument un plan-séquence, ce qui prend toujours plus de temps à organiser. C’était ardu, mais c’est souvent quand on galère le plus qu’on trouve de la magie.»

En espérant que ça vous ai donné envie de réaliser un second long-métrage bientôt…

«Je travaille dessus! C’est inspiré d’une histoire vraie. Un de mes amis a vécu dans un appartement hanté pendant deux mois.»

On reste avec les fantômes…

[Avec un grand sourire] «Toujours!»

‘Falcon Lake’ sort au cinéma le 28 décembre.

Faut-il aller voir Falcon Lake?

Il y a des vacances qui nous changent pour toujours! Bastien a 14 ans et part au Québec avec sa famille pour deux semaines de torpeur ensoleillée en bord de lac. C’est là qu’il rencontre Chloé, sa cousine éloignée de deux ans son aînée. Gonflant ses petites épaules, Bastien se rapproche de Chloé et laisse sa fascination pour elle le guider. Quitte à laisser les fantômes de ‘Falcon Lake’ sortir de leurs eaux dormantes… Il y a quelque chose de terriblement rafraîchissant dans ‘Falcon Lake’, un teen movie plein d’inspiration où les fantômes se réveillent en accord avec l’éveil sexuel du jeune héros. Loin de tout didactisme et bien aidée par les décors forestiers du Québec, Charlotte Le Bon crée des ambiances chaudes, où l’excitation des premières fois rencontre la morbidité propre à l’isolation d’un âge entre deux. Avec ses jeunes héros fragiles, drôles et touchants, ‘Falcon Lake’ enterre définitivement le machisme des films comme ‘American Pie’ dans le panthéon des teen movies. Il était temps! 4/5