‘The Good Mothers’, une série palpitante sur des femmes face à la mafia

Que faire en tant que femme quand on est née dans une famille mafieuse ou qu’on a épousé un mafieux ? Pendant des générations, la voie semblait sans issue, mais il y a une dizaine d’années, la justice italienne a tout de même tenté de convaincre quelques femmes de se libérer. La série en six épisodes ‘The Good Mothers’ raconte cette histoire palpitante et fascinante, écrite par Stephen Butchard (‘The Last Kingdom’) et réalisée par Elisa Amoruso (‘Time Is Up’) et Julian Jarrold (‘Brideshead Revisited’). Metro a rencontré le trio.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

La série nous fait comprendre que les femmes ne peuvent échapper à ce genre de famille mafieuse, même si elles le veulent. Une telle situation fait penser aux victimes de violence conjugale. Un parallèle que vous vouliez faire?

Stephen Butchard: «Certains clans sont bien pires que d’autres. La ‘Ndrangheta, la mafia calabraise dont fait partie la famille de la série, est particulièrement stricte et cruelle. Mais ces familles ont toutes une structure qui opprime terriblement les femmes. Vous aviez donc des femmes qui essayaient d’avoir un peu plus d’autonomie en participant à des activités criminelles, comme Giuseppina dans la série. Mais la plupart étaient totalement piégées et conditionnées par le monde où elles étaient nées, où la famille est plus importante que tout le reste. Ces femmes ne savaient pas quoi faire et n’arrivaient donc pas à partir.»

La série commence lorsque Lea, qui a témoigné contre son mari, décide de retourner quand même dans cette famille mafieuse. Pourquoi fait-elle cela?

Julian Jarrold: «C’est un besoin que nous ressentons tous, de nous entourer de personnes avec lesquelles nous avons un sentiment d’appartenance. Et c’est, en premier lieu, votre famille, même si ces gens ne vous veulent pas nécessairement du bien. Après avoir témoigné contre son mari, Lea a vécu pendant des années de manière tellement isolée et solitaire qu’elle a commencé, malgré ce qu’elle sait, à se créer une image romantique du monde qu’elle a abandonné. Elle espère quelque part que sa famille pourra quand même lui accorder le pardon. Vous faisiez le lien avec la violence conjugale. On voit ici la même chose, les femmes restent quand même avec leur mari, même si elles se font taper dessus. Elles pensent que cela se passera peut-être mieux la prochaine fois.»

Elisa Amoruso: «Lea le fait aussi pour sa fille, Denise, qui a fui avec elle. Comme la famille les a retrouvées à chaque fois, elles ont dû constamment déménager. ‘The Good Mothers’ est une histoire vraie, et c’est comme ça que ça s’est passé aussi à l’époque. Lea revenait par désespoir et parce qu’elle se disait qu’elle était en train de détruire la vie de sa fille. Combien faut-il être désespérée pour être prête à retourner vers des gens qui vont peut-être vous assassiner, juste parce que vous voulez offrir un avenir à votre fille?»

Quand la juge d’instruction explique son intention d’attaquer la mafia via les femmes, un des enquêteurs proteste que les gens les qualifieront de lâches. Pourquoi dit-il cela?

Jarrold: «C’est encore un exemple de cette culture machiste. Pour ce policier, la lutte contre la mafia est un combat d’hommes contre des hommes. Y impliquer des femmes, c’est lâche, car elles ne prennent pas de décisions ou n’assassinent pas de gens ou ne concluent pas de deals de cocaïne. Comme ce juge d’instruction est elle-même une femme, elle voit les choses autrement.»

Il y aurait, paraît-il, de plus en plus de femmes à la tête de la mafia. Comment l’expliquez-vous?

Jarrold: «Sans doute par pure nécessité. Dans le passé, les femmes travaillaient déjà aussi dans l’organisation, mais elles restaient anonymes et sous le radar. Avec l’accélération de l’enquête, la justice découvre qui elles sont et elles ont désormais un visage. Beaucoup de ces femmes sont aussi de fortes personnalités, qui sont nées dans ce système et ont grandi avec les mêmes idées que les hommes. Elles sont donc aussi impitoyables.»

THE GOOD MOTHERS

Tant d’histoires ont déjà été racontées sur la lutte contre la mafia qu’on s’étonne que quelqu’un propose encore une nouvelle perspective. Mais ‘The Good Mothers’ parvient tout de même à tirer son épingle du jeu, en s’inspirant d’une affaire qui avait fait la Une des journaux en 2009: la disparition d’une femme qui avait osé témoigner contre son propre mari, un membre de la ‘Ndrangheta – la mafia de Calabre – et qui avait vécu en se cachant avec sa fille pendant des années. Ce dossier avait donné une idée au juge d’instruction: pourquoi ne pas essayer de convaincre ces femmes de se libérer de leur milieu machiste extrêmement conservateur? ‘The Good Mothers’ reconstitue cette opération et permet au spectateur de découvrir un monde totalement clos où les hommes commandent et les femmes obéissent aux ordres en silence. La série italienne en six épisodes baigne dans la même ambiance menaçante que ‘Gomorra’ et vous aspire dans son univers dès les premières images.

4/5

‘The Good Mothers’ est disponible sur Disney+ à partir de ce mercredi.

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