‘How to Have Sex’ ou la zone grise de l’agression : « Il est urgent qu’on en parle »

Un “oui” est-il toujours un “oui” ? Et l’absence d’un “non” est-il assimilable à un “oui”? Autour de ces zones grises, la jeune cinéaste britannique Molly Manning Walker construit son remarquable premier film ‘How to Have Sex’, l’histoire de Tara, 16 ans, qui part en Crète avec ses amies pour fêter la fin des examens. Mais la fête ne dure pas lorsqu’elle rencontre l’envahissant Paddy. Metro a rencontré Walker (30) au Festival de Cannes, où son film a reçu le Prix Un Certain Regard.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Il y a trois ans, vous aviez déjà fait un court métrage sur ce sujet, ‘Good Thanks, You?’. ‘How to Have Sex’ en est-il un prolongement ?

Molly Manning Walker : « C’est un débat que je veux poursuivre. Il est urgent qu’on en parle. Le sujet me tient à coeur, car j’ai moi-même été agressée sexuellement à l’âge de 16 ans. Et j’ai vécu, moi aussi, quatre fois des vacances festives comme dans ‘How to Have Sex’, à Malia et à Ibiza. Je n’étais pas du tout la personne que je suis aujourd’hui. »

Peut-on dire qu’il s’agit essentiellement de consentement. La différence entre oui et non ?

« C’est en effet essentiel. Cette idée du consentement est devenue très tranchée, c’est noir ou blanc. Oui ou non. Alors que pour moi c’est plutôt une question d’empathie, le fait de ressentir et de comprendre si quelqu’un se sent à l’aise et s’amuse. Si vous ne pouvez pas le voir, vous avez un problème. J’espère que les hommes qui voient ce film peuvent se reconnaître et comprendre que ce n’est pas OK. Mais j’espère aussi qu’ils ne se sentiront pas condamnés, car ce n’était pas mon but non plus. »

Vous ne pointez surtout pas du doigt les jeunes filles non plus.

« Je trouve extrêmement important que les filles dans le film s’habillent et se saoulent comme elles veulent. Vous savez, pour préparer le film, nous avons organisé en différents endroits de Grande-Bretagne des workshops où nous posions à chaque fois des questions à un groupe de 10 filles et un groupe de 10 garçons, pour avoir leur avis sur des thèmes tels le consentement et l’agression. Et plusieurs filles de 16 ans ont déclaré avec beaucoup de conviction que les filles devaient s’habiller correctement et ne pas se saouler, sinon elles se feraient, évidemment, agresser. Et les garçons avaient souvent un discours macho. Nous étions abasourdis par ces propos si dépassés et problématiques. »

Tara et ses amies ont tout juste fini leurs examens de fin d’année. Un élément important pour vous dans le film ?

« C’est un moment dans la vie où vous essayez de déterminer vers quoi vous voulez aller. C’est vraiment un carrefour. Vous vous demandez si vos amis resteront à vos côtés. Peut-être irez-vous chacun de votre côté. Au début du film, Tara, Skye et Em sont des amies très soudées. Mais à la fin, on n’en est plus très sûr. Seront-elles toujours les meilleures amies un an plus tard ? Probablement pas. »

Comment s’est passé le tournage de ces scènes chaotiques à la piscine, avec tous ces figurants ?

« Nous avons dû tourner ces scènes tout au début, pour pouvoir profiter des vacanciers qui étaient encore sur place. Après, tout le monde partait. Le deuxième jour, j’avais donc déjà une scène avec 300 figurants, le troisième jour 400 figurants et le cinquième 500 figurants. Un vrai baptême du feu. (rires) Mais cela s’est très bien passé. Quand vous tournez en Grande-Bretagne, tous les figurants tapotent sur leur GSM entre les scènes et se plaignent de la nourriture et des horaires de travail. Ici, tout le monde était enthousiaste. Ils ne voulaient pas arrêter. »

Est-ce que je me trompe, ou cette piscine a la forme d’un pénis ?

(rires) « Nous avions choisi cet hôtel, et alors que nous étions sur le toit pour explorer les environs, nous avons vu tout d’un coup la forme de cette piscine. Nous avons carrément posé la question aux propriétaires, et la femme a soupiré ‘Mon mari…’ (rires) A la moitié du tournage, le producteur exécutif est venu me dire qu’il restait encore un peu de budget, au cas où je voudrais encore quelque chose qui n’était pas prévu au planning. J’ai sauté sur l’occasion : ‘La piscine, filmée par un drone !’. » (rires)

‘How to Have Sex’ sort en salles aujourd’hui.

How to Have Sex

Tara — ou Taz, si vous voulez — a 16 ans et vient de terminer les examens GSCE. En attendant ses résultats, elle s’envole pour la Grève avec ses amies Skye et Em. Objectif des vacances : faire la fête, boire… et, qui sait, séduire un garçon, ce qui pour Tara, encore vierge, n’est pas évident, mais soit. Très vite, elles se lient d’amitié avec Badger, Paddy et quelques autres Britanniques qui logent juste à côté. Et puis ça dérape. ‘How to Have Sex’ montre une ambiance joyeuse et colorée, où tout le monde hurle son envie de s’amuser, mais on sent dès le début une sorte de gêne, comme si les personnages essayaient de se convaincre eux-mêmes que tout est OK. Avec pour conséquence qu’ils ne veulent pas l’admettre quand ça dérape vraiment. La réalisatrice Molly Manning Walker vous plonge complètement dans ce monde artificiel de personnages mal assurés et fait en sorte que vous compatissiez avec tous. Tant le personnage principal brisé que les personnes qui abusent d’elle. Un premier film très réussi.

4/5

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