Comment la colombophilie, ce hobby typiquement belge, traverse les frontières

Les clichés sont faits pour être réfutés, c'est la raison pour laquelle nous partons à la rencontre de Lars Vercammen. Il a 31 ans, est détenteur de deux diplômes universitaires et il gère avec son père le «Hok Jos Vercammen», l'un des meilleurs élevages de pigeons de Belgique et donc du monde. Qui mieux que lui peut nous parler du fait que la colombophilie n'est plus depuis longtemps uniquement réservée à des papys à la retraite ?
par
Marie
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Lars, toutes nos félicitations. Lors du premier grand concours après confinement, trois de vos pigeons ont terminé dans le top six sur 16.000 participants.

«Merci. C'est une prestation rare et j'ai reçu des félicitations du monde entier. De Chine, de Pologne, des États-Unis, d'Afrique du Sud... Il n'y avait même pas encore trois minutes que les pigeons étaient revenus que j'avais déjà un message d'une personne de Taiwan qui avait déjà étudié leur pédigrée.»

Comment avez-vous vécu le confinement?

«Il ne fallait pas trop vite monter en puissance. En principe, nous savons exactement ce qu'il faut faire et quand d'avril à septembre. Mais ici, nous avons dû tout réinventer. Par exemple, les pigeons ne pouvaient pas encore être au top, car – tout comme les coureurs cyclistes – ils ne peuvent pas maintenir éternellement leur condition physique. De plus, pendant le confinement, le temps était magnifique, alors que maintenant nous devons concourir dans la pluie et le vent, ce qui fait une grande différence. Le gagnant d'une compétition qui s'est déroulée il y a quelques semaines a atteint grâce au vent arrière une vitesse moyenne de 115 km/h sur une distance de 320 kilomètres.»

Qu'est-ce qui vous plaît dans la colombophilie?

«C'est la compétition et l'impact qu'elle peut avoir, mais ce que j'apprécie encore plus ce sont les liens que crée ce sport. De plus en plus d'étrangers viennent pratiquer en Belgique par exemple. Pas seulement des Chinois, mais aussi beaucoup de Polonais qui travaillent ici et peuvent pratiquer en Belgique leur sport traditionnel. Il y a aussi beaucoup de Roumains, des personnes de la communauté marocaine, des Turcs, des Irakiens... Au sein de notre monde, il n'y a pas de tensions autour de la migration car, même si cela peut passer pour un cliché, il n'y a qu'une seule langue et c'est celle de la colombophilie. C'est donc un très bon moyen d'intégrer des gens dans une pratique qui est typiquement flamande.»

«En outre, toutes les couches de la population sont représentées. Il y a le cliché des papys, mais le propriétaire de la grande entreprise Cock's Fresh est colombophile. Tout comme le CEO de Willy Naessens Group, le prince du Maroc et le prince du Qatar. Même la légende de la boxe, Mike Tyson, est un fervent colombophile. C'est un énorme monde très varié et tout le monde, même dans notre local du club, s'entend bien.»

Quel est le secret pour devenir un bon colombophile?

«Nous pouvons nous baser sur une longue tradition. Mon père possède des pigeons depuis qu'il a 17 ans, nous pouvons donc compter sur l'arbre généalogique que nous avons bâti. De plus, il faut aussi se comporter normalement avec les animaux. Nous ne les épuisons pas. Les pigeons doivent en effet fournir de lourdes prestations, mais nous prenons soin d'eux avec amour. La colombophilie est par essence un sport de sélection. Schématiquement, cela revient à choisir les bons pigeons et les emmener vers l'année suivante.»

Y a-t-il des pigeons avec lesquels vous avez des liens spéciaux?

«Tout à fait. Pour l'instant, j'ai deux chouchous. Un bon pigeon est pour moi un pigeon qui preste. Mustang, actuellement un des pigeons les plus connus au monde, en fait partie. Il a gagné une compétition nationale face à 33.000 autres pigeons et nous ne nous en séparerons jamais. L'autre est Sugar, qui a récemment remporté cette compétition de 16.000 pigeons. Quand je pénètre dans le pigeonnier, il vient directement se percher sur mes épaules. Normalement, je n'aime pas ça, car ce ne sont en principe pas de bons pigeons qui font ça, mais c'est un super pigeon.»

La vente de pigeons est aussi une partie importante de ce sport, et on y consacre parfois des sommes énormes. Les gros montants que les étrangers sont prêts à y consacrer risquent-ils de tout foutre en l'air?

«Non, on n'a pas nécessairement besoin de beaucoup d'argent pour pouvoir bien concourir avec des pigeons. Certaines personnes ont consacré d'importantes sommes à l'installation de pigeonniers de haute technologie avec saunas à infrarouges intégrés, mais ce n'est pas une garantie qu'ils vont l'emporter sur le petit colombophile sans races connues et avec un pigeonnier vieux de 50 ans. Au football, une équipe de 4e provinciale ne va jamais battre le Real Madrid, mais en colombophilie c'est possible.»

Comment envisagez-vous l'évolution de ce sport en Belgique?

«Le plus grand danger pour la colombophilie serait une forte baisse du nombre de colombophiles. Le mode de vie des gens a changé et moins de personnes disposent de suffisamment de temps libre pour s'occuper des animaux. Dans le temps, les gens n'allaient pas quatre fois par an en vacances et il y avait un pigeonnier pratiquement dans chaque jardin. L'homme de la famille allait tous les dimanches après la messe remettre les résultats des pigeons, car il avait ainsi une excuse pour rester quelques heures au café. (rires) Mais aussi longtemps qu'il n'y a pas de vaccin contre le coronavirus et qu'il ne sera pas facile de voyager, l'intérêt pour ce sport va augmenter. C'est ce que reflète aussi l'augmentation du nombre de nouveaux membres affiliés à la fédération colombophile.»