L'aviation se met aux carburants alternatifs durables

Le transport aérien, contraint d'apporter sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, se tourne vers les carburants alternatifs durables. Toutefois, leur utilisation tarde faute d'incitations fortes et en raison de la faiblesse du prix du pétrole.
par
Gaetan
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"Il devient très urgent de développer ces carburants alternatifs, et il n'y a aucune raison d'être satisfait de la situation" actuelle, alerte Michel Wachenheim du conseil international des associations des industries aéronautiques (ICCAIA).

Premier secteur industriel à s'engager, par un mécanisme contraignant, dans la limitation des émissions carbone d'ici 20 ans en dépit de la hausse du trafic prévu, le transport aérien doit rester ouvert à tous les moyens pour tenir ses engagements.

Le remplacement même partiel du kérosène par des biocarburants durables est un des quatre piliers privilégiés par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) qui avait réuni en séminaire des experts, mercredi et jeudi à Montréal.

Vers une copie du kérosène

Des avions plus légers, moins gourmands, optimiser les plans de vol ou encore éviter de brûler du kérosène au sol, sont autant de moyens favorisant la réduction des émissions, mais les progrès attendus reposent sur l'utilisation de carburants alternatifs.

Ces carburants ont, sur leur cycle de vie, des émissions de carbone plus faibles que celles du kérosène produit à partir du pétrole. Un carburant dérivé de la biomasse a un bilan neutre en carbone contrairement à un carburant fossile.

L'objectif à terme est de faire une copie du kérosène. Des procédés sont en développement ou déjà au stade industriel. Les huiles hydrotraitées, le procédé Fisher-Tropsch de transformation des gaz en hydrocarbure, ou encore des procédés par fermentation comme le fait la biotech Amyris (avec le groupe pétrolier français Total), donnent des biocarburants durables, selon les experts réunis par l'OACI.

Les amidons et les sucres

Ces carburants sont fabriqués à partir de biomasse comme les amidons, les sucres, les huiles et la lignocellulose. Les algues restent pour l'instant au niveau de la recherche.

Avant d'arriver à une production à grande échelle, certaines conditions s'imposent, souligne Nate Brown, chargé du projet des carburants alternatifs durables à la FAA (aviation civile américaine).

Outre l'assurance d'avoir "un rapport sécurité-performance au moins équivalent", le coût d'un vol doit être comparable à ce qu'il est avec du kérosène conventionnel, note cet expert. "L'amélioration de l'environnement" est bien sûr une condition essentielle comme, ajoute-t-il, "la sécurisation de l'offre énergétique".

Le faible prix du pétrole freine la transition 

Cette dernière condition est cruciale pour les compagnies aériennes, d'autant que les biocarburants restent trop chers. Avec un kérosène fossile bon marché depuis trois ans, dans le sillage de la chute des prix du brut, les pétroliers ne sont pas incités à investir des milliards de dollars dans des nouvelles technologies.

En 2017 à titre expérimental, 25 compagnies aériennes vont procéder à plus de 5.000 vols avec des moteurs alimentés par du kérosène mélangé à des carburants alternatifs durables, pouvant aller jusqu'à 50% dans le cas des huiles hydrotraitées. Aucun biocarburant destiné à l'aviation n'a pour l'instant été homologué en utilisation pure.

Outre les investissements massifs et la réduction des coûts, il faudra aussi une volonté politique plus forte au niveau mondial pour une utilisation à grande échelle de ces carburants du futur.

Quels leviers?

Pour le scientifique Gérard Ostheimer, de l'initiative Energie durable pour tous (Se4All) lancée par les Nations unies, un prix plus élevé de la tonne de carbone pourrait être un des leviers pour favoriser le développement de ces biocarburants.

De plus, selon lui, il faudrait "mettre en place des politiques qui récompensent les carburants pour réduire leur intensité carbonique".

Lors de leur dernière assemblée triennale, les 191 Etats membres de l'OACI ont adopté un mécanisme mondial de compensation des émissions de l'aviation internationale avec l'objectif d'ici 2035 de maintenir, au pire, les volumes d'émission du transport aérien au niveau de ceux qui seront émis en 2019 et 2020.