Le plastique biodégradable, la fausse solution contre la pollution

Rendre les plastiques biodégradables pour éviter de voir apparaître des amas de sacs dans les océans et l'environnement: tentante, cette solution qui montre son efficacité pour certains plastiques n'a toutefois rien du remède miracle contre la pollution.
par
Laura
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Moins de 20% des neuf milliards de tonnes de plastiques produits jusqu'ici dans le monde ont été recyclées ou incinérées, le reste ayant fini dans les décharges ou l'environnement où elles mettront des milliers d'années à se décomposer, pointait récemment un rapport de l'ONU.

L'essor du biodégradable

Les plastiques biodégradables peuvent eux se désintégrer en beaucoup moins de temps grâce à l'action de micro-organismes qui se nourrissent de la matière dont ils sont composés, végétale (maïs, amidon de pommes de terre, etc.) ou issue des énergies fossiles.

Représentant encore l'exception, ils connaissent toutefois un certain essor en Europe, en particulier en France ou en Italie, du fait du bannissement progressif des sacs et objets en plastique à usage unique. Quelque 100.000 tonnes se sont écoulées en 2016, selon l'institut allemand spécialisé dans les bioplastiques Nova-Institute, et les capacités de production s'élevaient à 880.000 tonnes l'an dernier, a évalué European Bioplastics, qui regroupe les industriels européens, dont les principaux sont l'italien Novamont, le français Sphere ou encore l'allemand BASF.

Plus coûteux

Si ces plastiques restent encore minoritaires, c'est notamment en raison de leur coût: « deux à trois fois plus cher qu'un plastique traditionnel », même s'il baisse progressivement, explique Jean-Marc Nony, responsable du développement durable chez Sphere.

Mais portées par l'enjeu environnemental, ces entreprises cherchent maintenant à créer des plastiques qui puissent se biodégrader dans la mer. « Techniquement, la biodégradation marine est plus difficile, avec des températures plus basses et moins de micro-organismes », indique Jean-Marc Nony. Elle est donc également plus coûteuse, mais il voit quand même ces plastiques arriver sur le marché « avant 10 ans ».

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Confusion dangereuse

L'objectif ne serait pas de les généraliser, mais de les réserver par exemple à certains usages dans les ports, sur les bateaux de pêche ou de tourisme, là où il y a le plus de risque qu'ils terminent dans la mer. Face à ces développements industriels, certains experts et associations environnementales restent sceptiques, pointant notamment une confusion sur ces plastiques. « Les citoyens ont l'impression que biodégradable, cela veut dire qu'on peut jeter dans la nature. Or ce n'est pas du tout le cas », rappelle Virginie Le Ravalec, ingénieur à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Structures non adaptées

Pour que la décomposition soit efficace, elle doit en effet s'effectuer dans un composteur industriel, où les plastiques sont mélangés à de grandes quantités de biodéchets, ou dans des composteurs individuels, chez les particuliers. Cela suppose donc des investissements pour les trier et les collecter séparément, notamment pour qu'ils ne perturbent pas les filières déjà établies de recyclage. Et le processus prend plusieurs mois même quand de bonnes conditions sont réunies.

Un problème illustré récemment chez nos voisins français. La startup Yumi, productrice de jus de légumes, s'est en effet vu menacer de se voir imposer un malus écologique pour ses bouteilles biodégradables et compostables en pulpe de canne à sucre. Un plastique végétale dont la société de gestion des emballages Citeo, a été incapable de traiter dans son circuit actuel. Les 100 tonnes de plastique végétale en circulation en 2018 en France sont en effet encore loin des 20.000 tonnes nécessaires pour que le pays investisse dans un système adapté au traitement de ces déchets.

Une menace pour la vie marine

Dans les mers et les océans, ces plastiques pourraient ainsi se retrouver ingérés par les animaux « bien avant qu'ils n'aient eu le temps nécessaire pour se biodégrader (…) représentant ainsi la même menace pour la vie marine que les plastiques conventionnels », note Fiona Nicholls, de Greenpeace Royaume-Uni.

Un rapport de l'ONU concluait en 2015 que l'adoption des plastiques biodégradables « n'entraînerait pas une baisse significative de la quantité de plastiques dans les océans ni des risques d'impacts physiques et chimiques sur l'environnement marin ». Il y a aussi un « risque de greenwashing » autour de ces matériaux, s'inquiète Laura Chatel de Zero Waste France, alors qu'il reste encore « beaucoup d'ambiguïtés sur ce que biodégradable veut dire ».

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Sans emballage avant tout

Dans certains pays les plastiques oxo-dégradables peuvent être considérés comme biodégradables, explique-t-elle, alors qu'ils sont par exemple interdits pour les emballages en France, car ils ne font en réalité que se fragmenter en minuscules morceaux, invisibles à l'oeil nu, mais qui restent bien présents dans l'environnement.

La meilleure arme contre la pollution plastique sera toujours « de réduire la consommation d'emballages et donc la production de déchets, et de préconiser le réutilisable », rappelle Virginie Le Ravalec.

Un choix qu'a notamment fait la marque de cosmétique britannique Lush. Après avoir proposé des emballages biodégradables et des produits sans emballage,celle-ci a décidé de d'ouvrir sa première boutique «Lush Naked Shop» («Boutique nue» en français) dans le cadre de sa campagne mondiale de sensibilisation sur l'impact du plastique dans les océans. Un espace composé de produits exclusivement sans emballage ouvert le 1er juin dernier à Milan.

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