Manger "sain", oui, mais à quel point?
Les régimes "sans" (végétarien, vegan, crudivores,...) ont la cote. Ces plats sont considérés comme les garants d'un équilibre alimentaire sain. Mais ces pratiques du "sans" peuvent virer à l'obession, jusqu'à l'orthorexie. Le terme nous vient des Etats-Unis et est défini par le Petit Larousse en 2012 comme étant un trouble du comportement alimentaire.
Crainte d'empoisonnement généralisée
L'éloignement du producteur et du consommateur, la délégation du contrôle par le consommateur à des institutions lointaines, les crises alimentaires...Ces éléments sont autant de causes qui nous amènent à douter fondamentalement de ce que nous mangeons.
Souvenez-vous du "traumatisme" de la crise de la vache folle dans les années 90, puis celle de la viande de cheval en 2013. "On n'a jamais eu aussi peur de ce qu'on mange", confirme Pascale Hébel du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie).
"Dans notre culture occidentale, ce soupçon d'empoisonnement est valorisé comme preuve de notre perspicacité", affirme Patrick Denoux, professeur de psychologie interculturelle. "J'avais l'impression de détenir la vérité pour vivre le plus longtemps possible", témoigne ainsi Sabrina Debusquat qui a été orthorexique pendant un an et demi.
De végétarienne à frugivore
Cette Française de 29 ans a développé son syndrôme à la suite d'allergies de la peau provoquées par des cosmétiques. De clic en clic, elle tombe sur des sites fustigeant l'alimentation industrielle. "Toutes ces informations ont généré chez moi une angoisse énorme. C'est une réaction extrême à une malbouffe extrême", résume l'ex-orthorexique.
En un an et demi, Sabrina Debusquat est devenue végétarienne, puis vegan (refus de manger toute protéine animale), puis crudivore et frugivore (alimentation à base de fruits). "Je voulais atteindre un état de pureté", justifie-t-elle, jusqu'à en perdre ses cheveux.
Manque de vitamine B12
C'est l'énervement inhabituel de son compagnon qui lui permet de se rendre compte de son état obsessionnel. Son corps avait fini par tyranniser son esprit. La jeune femme décide alors de s'en sortir et fait une cure à la vitamine B12. Obtenu par extraction animale, cet élément sert essentiellement à la fabrication des globules rouges.
C'est cette même vitamine dont manquait une patiente de Sophie Ortega, médecin nutritionniste à Paris. "Elle commençait à devenir aveugle par carence de B12", explique-t-elle. Cette patiente, vegan pure et dure, refusait d'en avaler. D'après Dr. Ortega, "c'était comme si elle préférait perdre la vue que de trahir son engagement envers les animaux."
Mais cette médecin insiste sur une règle, celle d'une alimentation qui passe par le végétal tout comme l'animal. Les choix alimentaires doivent également autoriser le plaisir et la spontanéité.