Pourquoi l'extension des villes fait mal aux animaux

Construire à tout-va pose un sérieux problème environnemental. Des chercheurs ont chiffré l'ampleur du problème en Belgique. Ils en tirent plusieurs conclusions, et notamment qu'il faut absolument protéger les derniers espaces naturels.
par
ThomasW
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La Belgique est l'un des pays les plus urbanisés d'Europe. Elle compte, en moyenne, 371 habitants par m². Ailleurs dans le monde, l'urbanisation bat également son plein: la surface construite devrait tripler entre 2000 et 2030. Depuis longtemps, les chercheurs mettent pourtant en garde: la transformation des zones rurales en zones urbaines a un impact négatif sur la biodiversité. D'après une étude de l'université de Harvard, 8% des espèces terrestres vertébrées figurant sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature sont mises en péril par le développement urbain.

Des chercheurs de l'UCL, la KU Leuven, l'UGent, l'UAntwerpen et l'IRSNB ont aujourd'hui étudié cette question de manière systématique. Ils ont sélectionné 27 espaces de 3km sur 3km autour des villes de Gand, Anvers et Bruxelles. Ces espaces comptent neuf zones rurales, neuf zones semi-urbanisées et neuf zones urbaines. Dans chacun d'entre eux, trois plus petites surfaces de 200m sur 200m ont été choisies, ayant chacune un degré d'urbanisation différent. On trouve notamment des villages dans les campagnes et, à l'inverse, des espaces verts dans les grandes villes. En procédant ainsi, les chercheurs ont su déterminer si la nature en ville contient autant de biodiversité que la nature à la campagne.

1.075 km²

La superficie résidentielle occupe 1.075 km² en Wallonie, sur une surface totale de 16.844km². Le territoire wallon est occupé pour moitié (52,7%) par des terres agricoles, et pour près d'un tiers (28,7%) de bois.

Moins d'individus… et moins d'espèces

Les biologistes ont réalisé des échantillonnages réguliers dans ces 81 espaces sélectionnées à l'aide de pièges et de filets. Ils ont étudié des rotifères (animaux aquatiques microscopiques), des puces d'eau, des papillons de jour et de nuit, des carabidés (coléoptères), des araignées, des mites, des criquets et des limaces.

Leur première conclusion: au plus densément une surface est construite, au moins elle compte d'araignées et d'insectes. L'impact est le plus frappant sur les papillons de jour. On compte 85% moins d'individus en ville qu'à la campagne. Deuxième conclusion des chercheurs: la diversité des espèces aussi est moindre dans les zones urbanisées que dans les zones rurales. «On retrouve souvent les mêmes espèces à différents points de la ville, car seul un nombre limité d'espèces peut prospérer dans un espace urbain», souligne Frederik Hendrickx de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRNSB).

La ville, territoire hostile

L'influence de l'urbanisation sur le milieu est complexe. «La destruction des habitats est fort probablement la cause la plus importante de la régression des espèces», reprend Frederik Hendrickx. «La pollution de l'air, de l'eau et des sols et les perturbations lumineuses, sonores et olfactives sont également néfastes. Par ailleurs, l'aménagement hydraulique des zones urbaines est différent à cause de du béton et de l'asphalte. Ils ont pour effet de retenir plus de chaleur, et donc de créer un microclimat dans les villes.»

Prioriser les milieux naturels existants

Comment réussir à stopper la perte de biodiversité due à l'urbanisation? Selon l'étude de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, les méthodes les plus efficaces seraient de freiner la construction et de conserver et protéger les habitats naturels interconnectés. «Les espaces verts en ville sont nécessaires pour créer un environnement sain et agréable, mais ils ne semblent pas compenser la perte de biodiversité due à l'urbanisation. Les urbanistes doivent prioriser la protection et la connexion des vestiges d'habitats naturels lorsqu'ils développent l'infrastructure verte en ville», conclut le chercheur.

L'urbanisation, une partie de la solution

À condition de ne pas trop empiéter sur les espaces naturels et de gagner en densité, l'urbanisation peut constituer une partie de la réponse au problème de l'artificialisation des sols. En France, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (un groupe d'experts), estime que la concentration de la population dans les villes entraînera des changements socio-environnementaux importants. Parmi eux, la diminution de l'extrême pauvreté, une meilleure maîtrise de la fécondité et une évolution des modes de vie et de pensée. À terme, cette transition devrait limiter l'impact humain sur l'environnement, estiment les chercheurs.

 

Prise de conscience en Wallonie

La Région wallonne prévoit un «stop au béton» pour 2050. Un premier frein à l'urbanisation devrait toutefois intervenir dès 2025. L'étalement urbain sur les terres sera alors limité à 6 km² par an. Ce plan intervient alors qu'entre 1985 et 2017, 16,2 km² par an ont été artificialisés en moyenne en territoire wallon, principalement au détriment des terres agricoles. Sur la même période, la superficie résidentielle est passée de 723 km² à 1.075 km², soit une expansion de 48,7%. La question est maintenant de savoir comment les prochains gouvernements en Wallonie pourront respecter cet horizon de 2050 tout en répondant aux contraintes démographiques et économiques.