Pourquoi le téton est-il toujours aussi tabou ?

Depuis la nuit des temps, le téton est un sujet conversation redondant dans notre société. Tantôt jugé provocateur, ensuite brandi comme une arme féministe, il n’a pourtant pas grand-chose d’intéressant d’un point de vue physionomique. Alors qu’est-ce qui fait que ce petit bout de peau est encore au centre des sujets de conversations? Metro fait le point sur la question.

par
Sébastien Paulus
Temps de lecture 5 min.

Vous vous souvenez peut-être de la création du mouvement «Free the Nipple» en 2012, qui prônait l’émancipation de la femme. La campagne pointait notamment du doigt les inégalités qui existent entre hommes et femmes à propos de la nudité des torses. Car là où les hommes peuvent se promener torse nu à peu près là où ils veulent, la même chose serait mal vue pour la gente féminine. Là où les hommes peuvent poser sans problème tétons apparents sur les réseaux sociaux, les femmes ne le peuvent pas sous peine d’être censurées. Mais comment en est-on arrivé là?

D’où cela vient?

Si l’on prend les choses par le prisme historique, le téton féminin a toujours été considéré comme un symbole de fertilité et de maternité, comme l’explique l’historien du corps Georges Vigarello à nos confrères de Madame Figaro: «Le sein nu a toujours été à la fois maternel et érotique. Quand les nobles mettaient, au XVIIe siècle, leurs enfants en nourrice, l’argument était en partie: ‘Je ne veux pas que les seins de ma femme soient abîmés’. On a donc à la fois l’érotisation et le sein nourricier.»

Si l’on accélère un peu dans le temps, on constate que le téton a commencé à être sexualisé après la Seconde Guerre mondiale avec les posters de pin-up, le porno et les icônes de l’époque. Si l’on grossit les traits, au plus le téton a été montré, au plus il a perdu son aspect fonctionnel pour devenir un symbole sexuel. «Globalement, cela indique que le corps des femmes est soumis à un contrôle plus rigoureux. À chaque fois qu’il est exposé, il donne lieu à des commentaires de valorisation ou de dévalorisation », explique le sociologue Philippe Liotard à Neon.

Quelle est la situation en 2023?

En 2023, le téton est devenu, pour certaines féministes, une véritable arme politique. Il n’y a qu’à regarder les Femen, ce mouvement activiste qui se sert de son corps nu pour faire valoir ses revendications. Mais tout le monde n’a pas envie de brandir le téton comme arme politique. Il y a, autour de nous, de plus en plus de femmes qui souhaitent simplement pouvoir faire ce qu’elles veulent de leurs corps sans qu’on leur prenne la tête. C’est un peu le sens du mouvement no-bra qui a, certes, une portée féministe, mais qui existe surtout pour des raisons de confort. «Aujourd’hui, qu’est-ce que je suis heureuse de faire passer mon confort avant le regard des autres et de ne pas me forcer à mettre quelque chose que je n’aime pas juste pour me conformer aux standards», nous explique Lou Peeters, qui a décidé de laisser tomber le soutien-gorge.

Et cette vision des choses, elle est sans doute aussi influencée par certaines personnalités qui n’hésitent pas à apparaître aussi naturelles que possible sur les réseaux sociaux. On pense à Angèle ou à Emily Ratajkowski, qui sont d’ailleurs devenues de véritables modèles féministes. Notez qu’à l’époque de «Friends», Jenifer Aniston portaient systématiquement des tenues laissant apparaître ses tétons sans que cela devienne un sujet de conversation perpétuel, comme quoi c’est possible!

Le mouvement est en marche

À notre échelle, en tout cas, on a le sentiment que les choses bougent, comme à de nombreux autres égards. On voit des femmes qui osent danser en boîte avec la poitrine à l’air, comme les hommes se le permettent. On voit des amies accepter qu’il n’y a rien de mal à ne pas mettre le haut du maillot à la piscine, comme les hommes se le permettent. On voit une société qui commence à comprendre que chacun doit être maître de son corps et que le monde ne va pas s’écrouler si l’on voit apparaître un petit bout de téton. Il aura malheureusement bien d’autres raisons que cela de s’effondrer à l’avenir. Alors, revoyons un peu le sens de nos priorités et foutons la paix aux tétons féminins, non?

Bientôt la fin de la censure sur les réseaux sociaux ?

En janvier, le comité de surveillance de Meta, la société mère de Facebook et Instagram, recommandait de réviser les règles relatives à la couverture des tétons sur ses différents réseaux sociaux. En prime, le comité, qui est composé d’académiciens, de politiques, d’avocats et de journalistes, avait même déclaré par voie de communiqué: «Le retrait de ces images n’est pas conforme avec les valeurs de Meta ou ses responsabilités en termes de droits humains.» Ceux-ci dénoncent également le fait que cette discrimination met totalement les personnes transgenres et non-binaires de côté: «Cette politique est basée sur une vision binaire du genre et une distinction entre les corps masculins et féminins. Une telle approche ne permet pas de déterminer clairement comment les règles s’appliquent aux personnes intersexuées, non binaires et transgenres, et exige des évaluateurs qu’ils procèdent à des évaluations rapides et subjectives du sexe et du genre, ce qui n’est pas pratique lorsqu’il s’agit de modérer du contenu à grande échelle.» Suite à la publication de ce rapport, l’entreprise avait 60 jours pour réagir publiquement. On attend toujours!

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