Bernard Werber: Voyage au pays des rêves

par
Laura
Temps de lecture 4 min.

L'auteur du livre ‘Les Fourmis' revient avec un 21ème roman. En plongeant ses lecteurs dans les secrets les plus profonds du sommeil, Bernard Werber les transporte dans un monde virtuel où passé, présent et futur ne font plus qu'un: le sixième sommeil.

Vous consacrez votre nouveau roman au sommeil. Pourquoi ce sujet?

«Parce qu'on passe un tiers de notre vie à dormir. Ça me semblait intéressant de ne pas considérer ce temps comme du temps perdu.»

C'est un sujet qui vous préoccupe?

«Chaque soir, je me dis que ça serait bien que j'arrive à maîtriser un rêve pour faire un rêve lucide. Il y a cinq rêves lucides dont je me souviens. C'est assez difficile en fait de prendre conscience, quand on rêve, qu'on rêve

Votre personnage Jacques Klein décrit son expérience de rêves lucides et de sa descente vers le sommeil paradoxal. Cela existe-t-il réellement?

«À part le sixième sommeil lui-même, tout existe. Les Senoïs, le cinquième stade du sommeil et le somnambulisme existent. Tout ce que je raconte est basé sur des choses connues.»

Vous avez déjà testé?

«J'ai testé l'insomnie, ‘vivre avec une femme somnambule' (rires) ainsi que le rêve lucide. Sinon, je note tous les matins mes rêves, j'utilise la petite application qui repère les hypnogrammes, c'est-à-dire qui repère mes descentes dans le sommeil.»

Et vous en pensez quoi de tout ça?

«Que tout le monde devrait s'y intéresser. C'est un plus dans la vie. Ça rend plus créatif, ça soigne.»

Vous évoquez également un sixième sommeil. De quoi s'agit-il?

«Le cinquième sommeil est un moment où le corps est paralysé et où l'activité électrique du cerveau est encore plus forte que lorsqu'on est éveillé. J'ai donc imaginé un sixième stade, qui est encore plus paradoxal, dans lequel le cœur bat plus lentement comme si on était en hibernation, et durant lequel le cerveau est encore plus actif. Il accède du coup à des niveaux de conscience supérieure, et notamment un où l'on échappe à la règle du temps, au passé, au présent et au futur.»

Est-ce une manière de se réconcilier avec soi-même en voyageant à travers le temps?

«C'est une manière de pouvoir remonter le temps pour parler à l'enfant qu'on a été et au vieillard qu'on va devenir. Le deuxième thème du livre c'est ça, qu'avez-vous à dire à l'enfant que vous avez été et au vieillard que vous allez devenir?»

Côté fiction, vous inventez également un cinéma du futur dans lequel on visualiserait nos rêves sur grand écran. En tant qu'ancien journaliste scientifique, pensez-vous que cette technologie puisse un jour exister?

«En mettant des capteurs ou en utilisant l'imagerie par résonance magnétique, on arrive déjà à voir quand la personne rêve. Il suffirait donc de transformer ce signal en formes un peu plus complexes. Actuellement, il y a un projet au Japon et aux États-Unis dans lequel on réveille des gens, leur demande de quoi ils ont rêvé et on y associe l'activité de leur cerveau. On va donc dans cette direction. J'imagine qu'un jour on y arrivera.»

Vous donnez également la possibilité aux lecteurs de raconter leurs rêves à la fin de votre livre et sur votre site. Pourquoi ce choix?

«Pour créer une interactivité. Pour que le lecteur une fois qu'il ait fini de lire le livre puisse continuer à parler, à envoyer un signal, voir comment il l'a vécu et ce qu'il peut amener en retour.»

Si vous aviez l'opportunité de discuter en rêve avec votre futur ‘vous', que lui demanderiez-vous?

«J'espère que je n'ai pas fait de conneries et j'espère que j'ai bien rentabilisé mon talent. Ma plus grande angoisse, c'est de ne pas en faire assez. C'est tellement agréable et facile pour moi d'écrire, pourvu que j'utilise à fond ce don afin qu'il ne m'ait pas été donné pour rien.»

En quelques lignes

Jacques Klein a toujours eu un rapport particulier au sommeil. Du rêve lucide que sa mère, chercheuse et somnambule, lui enseignait au sommeil paradoxal, il en a même fait son métier, tout comme sa génitrice qui travaillait d'ailleurs sur un projet secret. Du moins, jusqu'à sa disparition. Guidé par son futur ‘soi' rencontré dans son rêve, il va se lancer sur les traces de Caroline Klein en rejoignant une tribu spécialiste des rêves, les Sénoïs. Mélangeant expériences scientifiques et science-fiction, Werber nous entraîne dans l'univers lointain et pourtant commun à tous qu'est le sommeil. Une véritable réflexion sur un moment auquel nous consacrons presque 25 ans de notre vie sans y attribuer la moindre attention: dormir.

«Le sixième sommeil», de Bernard Werber, éditions Albin Michel, 416 pages, 22€ 4/5