Danny Elfman: les musiques de Tim Burton

par
Laura
Temps de lecture 5 min.

Les bandes originales d'"Edward aux mains d'argent", de "Beetlejuice" ou de "Batman": c'est lui. Danny Elfman compose depuis trente ans pour Tim Burton, le maître du fantastique. Entre eux, s'est créée une relation fraternelle. Aujourd'hui, le musicien autodidacte revient sur son oeuvre dans une série de mini-concert qui passera par Bruxelles.

Avez-vous toujours voulu être compositeur de musiques de film ??

« Non, quand j'étais enfant, je voulais être un scientifique spécialisé dans le nucléaire. J'ai tué beaucoup d'insectes et irradié beaucoup de mouches (rires). C'est seulement adolescent que je suis devenu un ‘nerd' de la musique de films. Ensuite, je suis parti pour la France avec un violon et je me suis entraîné en secret. J'ai rencontré le metteur en scène Jérôme Savary qui m'a engagé comme violoniste pour jouer dans Le Grand Magic Circus.?»??

Comment avez-vous rencontré Tim Burton ?

?« Je faisais partie d'un groupe de rock, Oingo Boingo. Tim Burton connaissait ce que nous faisions et il m'a contacté en 1985 pour composer la musique du film ‘Pee-wee's Big Adventure'. J'ai écrit une partition et je lui ai envoyé la musique sur une cassette. Je pensais que je n'allais plus jamais entendre parler de lui mais son manager m'a appelé pour me dire que j'avais le job. Je lui ai répondu ‘non', j'avais trop peur de faire foirer le film ! Et puis je me suis dit, ‘vas-y'. J'ai adoré le son de l'orchestre jouant ma musique. C'était comme de l'héroïne dans mes veines. »

Vous êtes un autodidacte…?

« Au début, j'étais juste un fan de musiques de films, mais je n'en écrivais pas. J'ai dû apprendre. Les premières années, je tournais encore avec mon groupe mais je me forçais à écrire au moins deux compositions par an pour apprendre. Tim me demandait comment j'arrivais à composer autant entre ses films. Je lui ai répondu que si je ne le faisais pas, je ne pourrais jamais m'améliorer. »??

Pourquoi avez-vous quitté Oingo Boingo ?

?« Quand j'ai écrit les paroles de Jack Skellington pour ‘L'Étrange Noël de M. Jack', c'est comme si j'écrivais sur ma propre vie. Même si Jack était complètement une création de Tim, émotionnellement, je racontais mon histoire. La ville d'Halloween était Oingo Boingo. J'étais le roi de mon petit monde. Et je ne voulais plus l'être. Je voulais autre chose. »

Avez-vous beaucoup de points communs avec Tim Burton ??

« Quand nous nous sommes rencontrés, beaucoup de choses nous ont très vite reliés. Nous sommes tous les deux nés à Los Angeles et y avons grandi. Nous allions tous les deux au cinéma toutes les semaines et avions vu les mêmes films d'horreur, ceux de la Hammer par exemple. Nous vivions tous les deux dans le même monde d'horreurs et de fantaisies. On savait qu'on avait le même langage. On était des enfants étranges, on se sentait tous les deux différents des autres humains. Donc oui, nous avons beaucoup en commun. Je ne le considère pas comme un ami mais plutôt comme un frère, quelqu'un de la famille. »??

Comment travaillez-vous avec lui ?

« Le script importe peu en général. Il m'emmène souvent sur le tournage à mi-chemin et me montre certaines scènes. Par exemple, pour ‘Batman', j'ai vu quelques images et sur le trajet de retour en avion, j'avais déjà le thème en tête. Pour ‘L'Étrange Noël de M. Jack', il n'avait encore rien de concret. Il m'a montré des images et m'a raconté l'histoire comme à un enfant. On a tout écrit très vite, trois jours par chanson, mais il n'avait pas encore de véritable script. »

??Après autant d'années de travail ensemble, vous vous comprenez tout de suite ??

« Non, je ne sais jamais à quoi m'attendre avec lui. Il est très imprévisible. Je ne suis jamais en position confortable en me disant, ‘il va adorer ça'. Parfois, c'est assez facile, parfois ça coince comme sur ‘Big Fish' par exemple où on tournait vraiment en rond. Il me montre des choses, je lui propose des idées. Puis, j'observe son langage du corps. S'il ne s'arrache pas les cheveux et qu'il observe, c'est que c'est bon. »??

Qu'est-ce qui vous inspire ?

?« C'est simple, ça s'appelle la deadline (rires). Je travaille encore sur ‘Pee-wee's Big Adventure' à l'heure actuelle. La plupart du temps, je procrastine jusqu'à ce que je réalise que je n'ai plus de temps. Et là, je trouve quelque chose. Je pense que tous les compositeurs sont un peu comme des robots à ce moment-là. »

Comment l'idée du ciné-concert est-elle née ??

« Le timing était parfait. On me demande de faire des concerts depuis plus de 20 ans. J'ai toujours dit non parce que je déteste regarder derrière moi, je n'écoute jamais ce que j'ai déjà composé. C'est beaucoup de travail de revenir sur chaque composition. La musique de film en elle-même ne se transpose pas toujours en live, c'est une orchestration différente. Mais ensuite, pour les 25 ans de ma collaboration avec Tim, nous avons sorti un coffret. J'ai donc du réécouter tout ce que j'avais fait, mes vieilles cassettes, mes démos, etc. J'ai passé trois mois à tout trier. C'était donc le moment de céder à la demande de mon manager car tout était frais dans mon esprit. »

Comment avez-vous réagi en redécouvrant votre travail ??

« C'était vraiment bizarre. Je me suis rendu compte que mes premières compositions étaient très primitives. C'était à la fois un choc et une leçon. Je ne peux pas expliquer mon évolution. Je suis allé d'un endroit à un autre. Par contre, mon kit d'outils est devenu plus grand parce que j'ai beaucoup travaillé à étendre mes ressources. Si ‘Batman' avait été ma première partition, je n'aurais jamais pu l'écrire. J'avais fait plusieurs films avant qui m'ont permis d'apprendre. »

??On vous a également demandé de chanter en live lors du concert ??

« Oui, j'ai accepté sans savoir ce que je faisais. Je parle et puis je réfléchis (rires). Je n'avais jamais chanté en live les chansons de ‘L'Étrange Noël de M. Jack'. Je me suis rendu compte qu'elles étaient très difficiles à chanter. Et là, je me suis dit ‘c'est la pire idée que j'ai jamais eue de ma vie'. Lors de la première à l'Albert Hall de Londres, j'étais pétrifié mais j'ai finalement beaucoup apprécié. Et puis ce show, c'est aussi une bonne occasion de voyager.?» ?

Danny Elfman "Les plus grandes musiques de Tim Burton", Palais 12 du Heysel, le 28 novembre www.fire-starter.be