Églantine Éméyé : Le cri d'amour d'une maman

par
ThomasW
Temps de lecture 4 min.

Samy est un petit garçon polyhandicapé, autiste et épileptique. Sa mère, l'animatrice et journaliste Églantine Éméyé, nous raconte leur quotidien depuis sa naissance. Un récit intime et percutant rempli d'amour et… d'humour !

Pourquoi publier ce livre maintenant, dix ans après la naissance de Samy?

«Suite à un documentaire que j'avais réalisé sur notre vie durant un an, j'avais reçu énormément de lettres de témoignages qui étaient similaires au mien et de personnes qui découvraient cette maladie et me demandaient d'en savoir plus. Je voulais donc en reparler, mais d'une autre manière. Je ne voulais plus me mettre en scène par l'image. Par ailleurs, je me suis dit que ne raconter qu'une année de notre vie était en quelque sorte anecdotique. J'ai donc voulu raconter notre quotidien, depuis la naissance de Samy. Raconter comment on vivait un handicap, comment les choses s'enchaînaient, etc.»

Avec ce documentaire, sans le savoir au départ, vous avez filmé le moment où vous avez décidé de placer Samy en internat.

«C'était inattendu. Je ne pensais pas du tout que j'allais mettre Samy dans un internat. Mais au fur et à mesure que je filmais, je me suis rendu compte que c'était nécessaire.»

Vous vous êtes battue pour le garder auprès de vous le plus longtemps possible.

«La séparation devient un peu plus simple quand vous comprenez que vous le faites pour lui. C'était très douloureux quand je l'envisageais comme quelque chose qui mettrait fin à mon épuisement permanent. Je n'arrivais pas à l'accepter. Il a fallu que je comprenne que le handicap de Samy était beaucoup plus lourd que je ne le pensais, que le quotidien que j'avais mis en place pour lui ne lui convenait pas du tout. Samy avait en fait besoin d'un lieu unique dans lequel les soins allaient venir à lui, et pas l'inverse. Par ailleurs, il me montrait tous les jours que l'institut dans lequel il allait ne lui convenait pas du tout. Et comme il n'y avait pas d'autre place possible, l'internat s'est présenté.»

Le cas de Samy est particulier. Il a été victime d'un AVC alors qu'il n'était qu'un bébé, il est autiste, épileptique et polyhandicapé.

«Il est particulier dans la mesure où il a plein de troubles, effectivement. Mais si vous regardez bien, dans le polyhandicap, ils sont tous des cas particuliers. Ce qui est difficile, c'est que, même dans ce monde, il faut entrer dans des cases. C'est ça qu'il faut dénoncer et changer.»

À ce propos, vous montrez, dans votre livre, les aberrations de certains organismes spécialisés dans le handicap, et de l'administration.

«L'État a l'impression de faire son travail. Mais les solutions que l'on vous propose sont mal adaptées. Par exemple, à Paris, il existe un service de voiture qui amène les personnes handicapées à un point B. Vous vous rendez compte qu'en fait, il faut avoir en permanence avec vous un siège auto sécurisé… Mais avoir avec soi le fauteuil roulant, les affaires de la personne, votre propre sac et ce siège auto est impossible! Ce n'est qu'un exemple. Il existe plein d'autres aberrations comme celle-là. Il en est de même lorsque vous cherchez un établissement pour votre enfant. Il n'existe pas de liste mais on vous demande quand même où vous voulez le mettre. Et bien entendu, il est rare qu'il reste de la place dans l'établissement que vous avez choisi… Sans parler du fait que les personnes qui s'occupent des personnes handicapées étaient choquées de voir Samy!»

Aujourd'hui, depuis qu'il est dans l'internat, Samy va mieux .

«Oui il va mieux. Il restera un enfant avec des difficultés mais son milieu lui convient. Les soins viennent à lui. Il est beaucoup serein. Et paradoxalement, maintenant qu'on n'exige plus rien de lui, il fait des progrès. Il est comme il n'a jamais été auparavant. C'est un Samy qu'on n'a pas connu en dix ans. Il sourit, il rit !»

Dans votre récit, on ressent une certaine joie de vivre. Il y a beaucoup de rire et de bons moments.

«Si on ne s'autorise pas à rire de nous-mêmes et de nos propres enfants, on ne tient pas. Je viens d'une famille dans laquelle l'imagination, le jeu et la joie ont beaucoup de place. Et puis, j'ai un autre enfant. Et ça, ça vous aide énormément. Il y a des moments, même si vous êtes fatiguée, vous êtes obligée de vous mettre à quatre pattes pour jouer avec votre autre fils. Et finalement, ça vous sauve. Car à force de faire semblant d'être gaie, vous le devenez!»

En quelques lignes

Loin d'être larmoyant, «Le voleur de brosses à dents» est un récit percutant et intime que livre une maman qui se bat depuis des années pour permettre à son fils d'avoir un meilleur avenir. L'animatrice télé française Églantine Éméyé raconte le quotidien de sa petite famille depuis que Samy, autiste, épileptique et polyhandicapé, est né. Ce livre, elle l'a écrit non seulement pour toutes les personnes qui sont confrontées aux mêmes difficultés qu'elle, mais également pour Samy, le voleur de brosses à dents, et son frère, Marco, «afin qu'il n'oublie pas tous ces fous rires qui émaillent notre drôle de vie». La journaliste, fondatrice et présidente de l'association «Un pas vers la vie», revient sur ses propres questionnements, ses meilleurs et pires moments, ses relations avec les autres mamans qu'elle côtoie, sur l'amour qu'elle porte à ses enfants. Tellement prenante, cette histoire se lira d'une traite. (mh)

« Le voleur de brosses à dents», d'Églantine Éméyé, éditions Robert Laffont, 288 pages, 20 €

Ph. C. Lartige