Lorca Horowitz : Ce qu'un fait divers dévoile sur nous

par
Maite
Temps de lecture 4 min.

La première fois qu'Anne Plantagenet a entendu parler de Lorca Horowitz, c'était en 2013. Ce fait divers l'a tellement intriguée qu'elle a décidé d'en écrire un roman. Un roman réussi, intriguant et, pour ainsi dire, envoûtant, qui montre ce qu'un fait divers peut dire de nous.

Que vous plaisait-il dans cette histoire ?

« Ce fait divers relate l'histoire d'une femme qui se métamorphose petit à petit en prenant l'identité d'une autre femme. Elle change de milieu social. Elle recopie la personnalité de la femme qu'elle prend pour modèle. Je me suis demandé ce qui avait bien pu pousser cette Lorca à voler l'identité d'une autre personne. Mais je me suis également demandé pourquoi ce fait divers, qui s'est déroulé en Espagne, m'intéresse. Ce fait divers s'est déroulé en Espagne. La femme en question ne s'appelait pas Lorca. J'ai découpé l'article de presse et je l'ai gardé dans un coin. Mais l'histoire me hantait. Et ce livre tourne beaucoup autour de cela. Le personnage de la narratrice est un peu mon double. Elle se demande pourquoi elle est si attirée par ce récit. »

À travers ce fait divers, c'est l'histoire de la narratrice que vous vouliez raconter ?

« Ces deux histoires distinctes finissent par presque n'en devenir plus qu'une. Au départ, il y a une narratrice qui veut tout simplement enquêter sur ce personnage déjà un peu barré. Petit à petit, la narratrice va se dévoiler et va finir par devenir inquiétante. Au point qu'on se demande s'il s'agit réellement de deux femmes. »

Finalement, cela ne devient-il pas inquiétant?

« (Rires). C'est plutôt assez jouissif de pouvoir faire sa propre analyse et de pouvoir de se poser toutes ces questions tout en jouant avec les codes de la fiction. Elle réalise le rêve de devenir quelqu'un d'autre. C'est triste d'avoir une seule vie. On aimerait tous avoir plusieurs vies. Enfin, l'écrivain le vit tout le temps. On écrit toujours en parlant de quelqu'un d'autre. En plus, pour ma part, je suis traductrice. J'écris en étant la voix de quelqu'un d'autre. J'ai cette richesse-là. Cette histoire-là précisément a englobé tous ces thèmes : de l'identité, du passage à l'acte, de devenir quelqu'un d'autre, de se payer une belle revanche sociale, etc. »

En plus de voler l'identité d'une autre femme, elle tente de changer de milieu social.

« On est face à un personnage qui n'a rien au départ. Elle a des très mauvaises cartes en main : elle n'est pas jolie, elle vient d'un milieu très modeste, elle a eu une enfance très difficile, il y a aussi une histoire d'amour difficile, … Finalement, elle décide de ne pas rester dans cette case-là. Elle aussi se dit qu'elle a envie d'être blonde, belle, riche, plus jeune, … Et elle va le faire. C'est ce que je trouve incroyable ! Puis, je me suis demandé ce qui me plaisait moi dans cela. »

Et qu'est-ce qui vous plait dans cela ?

« Cette capacité à se réinventer. C'est sans doute un de mes thèmes obsessionnels dans ma vie personnelle. Ma vie a été faite de plusieurs vies, j'en suis sûre ! Alors forcément, ça m'a touché cette histoire. »

Faites-vous, comme expliqué dans votre roman, des ‘cartons de votre vie' ?

« Pas tellement. Je suis plutôt comme la narratrice à ne pas rater grand-chose. Je ne suis pas très archiviste. J'aime aussi voyager et vivre léger. Si je pouvais, je ne déménagerai avec pas grand-chose. On accumule forcément des choses mais cela me fait un peu peur l'accumulation, l'envahissement des objets. La photo de couverture du livre, par contre, je l'ai trouvée au fond d'un carton. Comme quoi j'en ai quelques-uns quand même ! C'est assez troublant ! »

Pourquoi avoir mis une photo de vous en couverture ?

« Dans ce livre, je joue avec les frontières de la fiction et de la non-fiction, du réel et de l'imaginaire, du qui-est-qui,… Finalement, c'est ce que reflète la photo. Elle reflète un jeu : est-ce que Lorca, c'est moi ? Qui est cette femme sur cette photo ? Est-ce l'écrivain ? J'ai envie de répondre : c'était moi à une certaine époque. C'est une photo qui date de 20 ans. Je ne suis plus la jeune femme sur la photo mais cette jeune femme qui est pleine de défis et de provocations. On l'a choisie car elle représente tous ces enjeux. »

En quelques lignes

C'est un roman intriguant que nous livre l'interprète et auteure Anne Plantagenet. Un roman qui pose la question de la frontière d'identité -qui est l'héroïne ? la narratrice ? l'auteure ?- mais aussi du genre littéraire –ce livre est-il une fiction ? une autobiographie ? une auto-fiction ? Toutes ces questions partent d'un fait divers, découvert dans un journal. Une histoire que la romancière remaniera afin de confronter sa narratrice à ce récit incroyable. A travers un fait divers qui l'a particulièrement marquée, Anne Plantagenet pose une multitude de questions identitaires. Lorca Horowitz vole l'identité d'une femme qui l'a prise sous son aile. Petit à petit, elle devient autre. Un peu comme la narratrice. À moins que cela soit l'auteure ? Mais alors que Lorca se perd dans son mensonge, la narratrice, elle, avance vers sa propre vérité.

« Appelez-moi Lorca Horowitz », d'Anne Plantagenet, éditions Stock, 209 pages, 18€ 4/5