Rencontre avec le créateur de la marque anversoise Walldog, Philippe Pelsmaekers

Walldog ? Le terme walldog provient des États-Unis. C'était le surnom donné aux artistes-peintres de second rang' qui peignaient des logos et illustrations commerciales sur les murs, les enseignes et les vitrines au 19e siècle.
Ph. Walldog SS 2016

Lancer une nouvelle griffe n'est pas une sinécure. Et pourtant, l'ex-publicitaire Philippe Pelsmaekers se lance dans cette aventure imprévisible. Sa formule est simple: utiliser un vrai logo d'un authentique magasin quelque part dans le monde, avec une bonne histoire. Imprimer le logo sur un T-shirt et diffuser le message via les réseaux sociaux. Est-ce que Walldog sera la nouvelle success story du monde de la mode? Cela reste à voir. Ce qui est certain en revanche?: le consommateur participe de plus en plus à la hype dans la mode.
Quel est votre passé professionnel??
"Je n'ai absolument aucun passé dans la mode. J'ai eu une agence de communication pendant 13 ans. De cette manière, j'ai fait pas mal de storytelling."
D'où vient l'idée de cette reconversion dans le business de la mode??
"Après la publicité, je trouvais qu'il était temps de raconter de vraies histoires et j'étais à la recherche de plus d'authenticité. Je suis en outre quelqu'un de très curieux. L'autre côté de la haie m'intrigue, façon de parler. Ainsi, j'aime bien être en compagnie de personnes issues d'autres cultures, je m'y sens bien. Quand j'avais cinq ans, mon meilleur ami était issu une famille américaine. Mon témoin de mariage était iranien et l'un de mes meilleurs amis est philippin. Cette curiosité culturelle associée à mon intérêt pour la communication et l'esthétique est à la base de Walldog."
Et quelle était l'idée de base??
"Un jour, je rêvassais en feuilletant un livre de logos d'authentiques échoppes dans les rues indiennes et vietnamiennes. Les formes naïves' et les couleurs magnifiques m'intriguaient et je me suis mis à imaginer les histoires qui se cachaient derrière. A ce moment-là tout le monde portait des vêtements avec des imprimés japonais ou Authentic Vintage' inspirés de vrais logos. Inspirés donc'. Je trouvais que c'était une occasion ratée à une époque où tout le monde recherche de l'authenticité et du storytelling. Je me suis dit: pourquoi ne pas chercher de vrais logos de produits ou de magasins et puis raconter l'histoire qu'il y a derrière. Et c'est ainsi qu'est venue l'idée de créer Walldog."
Ph. D. R.

Comment cela se passe-t-il concrètement??
"Ce sont à chaque fois de petites uvres d'art que nous imprimons sur nos vêtements. En Inde, vous avez par exemple beaucoup de signes illustratifs parce qu'il y a un taux élevé d'analphabétisme là-bas. Ce sont souvent de jolis dessins rigolos qui vous font rêver. Nous sommes ainsi entrés en contact avec de petites entreprises locales qui existent parfois depuis 200 ans déjà, cela va du barbier italien à New York au studio d'acteurs Bollywood dans les bidonvilles de Mumbai."
Comment trouvez-vous vos histoires??
"Partout où nous nous baladons, il y a des choses que nous ne remarquons pas, mais qui racontent une histoire incroyable. Wilf Peddle, par exemple, est un marchand d'ufs de Glastonbury. Je connais une personne qui vit là-bas et elle savait à quoi je m'intéressais. Elle m'a raconté que Wilf roulait dans une vieille Morris de 1960 avec, à l'arrière, un logo qui serait parfait pour Walldog. Je lui ai demandé si je pouvais venir le filmer et c'est ainsi que c'est devenu une histoire."
Vous ne recherchez donc pas tout vous-même ?
"La collection est constituée à 40% de logos qui ont vu le jour de cette manière. Il est donc aussi question d'une sorte d'économie collaborative. Nous avons des reporters, des journalistes, des voyageurs ou des photographes qui trouvent ce genre d'illustrations. La photographe Isabel Corthier, par exemple, est en ce moment en Afrique pour une mission, mais elle a prévu de la prolonger de quelques jours pour dénicher des histoires pour nous. Pour la collection qui est actuellement en ligne et dans les magasins, nous avons rassemblé 22 petites histoires et celles-ci sont produites sous différentes versions?: des T-shirts, des sweats et des tank tops."
Ph. Walldog SS 2016

Le consommateur peut-il s'y mettre lui aussi??
"C'est très organique. On verra peut-être se créer une communauté qui partira elle-même à la recherche d'histoires. Si le boulanger du coin a une histoire formidable et un beau logo, nous pouvons peut-être en faire quelque chose. Toute personne qui développe une histoire, devient curatrice. Son nom sera aussi mentionné dans toute la communication autour de cette histoire spécifique."
Qu'attendez-vous comme réactions??
"C'est un grand suspense. Cela fait quatre ans que je travaille là-dessus. Le secteur a besoin d'idées innovantes. Et les premiers pas montrent que le public y est ouvert. Je pense que c'est surtout du fait que ces histoires ont un certain facteur X'. C'est quelque chose que tout le monde reconnaît, ce sont des histoires simples de vraies personnes dans de vrais lieux. J'appelle cela parfois Man Bijt Hond (émission de la télé flamande, ndlr), mais traduit sur une ligne de vêtements."
Ou comme le magazine de société Iedereen beroemd? (qui a succédé à Man Bijt Hond) ?
"En partie, oui. Mais il faut encore y ajouter le facteur international. Tout le monde aime voyager et apprendre. Ici, nous l'utilisons pour créer quelque chose d'amusant et d'esthétique. Et si, en plus, vous pouvez voir l'histoire online', des gens pourraient la partager via les réseaux sociaux. Ce facteur peut aussi contribuer au succès. Une fois que vous avez vu l'histoire, vous n'allez plus jamais porter ce vêtement de la même manière. Nous associons nostalgie et médias modernes. C'est un mariage entre le vieux et le neuf. Cela fait la différence avec ce qu'on trouve aujourd'hui dans les magasins."
Ph. Arne Rombouts

Où peut-on acheter vos produits? ?
"On peut les trouver dans une cinquantaine de magasins en Belgique et aux Pays-Bas, comme Bellerose, Your à Anvers, Edmond & Adélaïde à Bruxelles. La liste complète sera sur notre site web. Et bien évidemment en ligne, car avec les vidéos, 50% du produit est une expérience en ligne."
Les propriétaires des logos sont-ils rémunérés??
"Non. Ces gens sont fiers de leurs activités et apprécient que nous témoignions de l'admiration pour ce qu'ils font. À chaque fois, bien entendu, nous avons demandé une autorisation écrite pour utiliser l'histoire et les images. Nous versons en outre 15% de nos bénéfices à des uvres caritatives situées dans les environs de l'histoire. Notre partenaire dans cette aventure, c'est SOS Villages d'Enfants. Ces associations caritatives peuvent d'ailleurs devenir elles-mêmes aussi content-provider' (fournisseur de contenu). Si nous pouvons associer une histoire locale de SOS Villages d'Enfants à un produit, la boucle est vraiment bouclée."