Droit à l’IVG: les Américaines cherchent des nouvelles techniques pour éviter les grossesses non désirées

Après la volte-face historique de la Cour suprême sur l’avortement, des Américaines racontent à l’AFP leur stratégie pour garder le contrôle de leur corps dans un pays où le droit d’interrompre une grossesse n’est plus garanti.

par
AFP
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Des problèmes de santé ont rendu Sarah Kratzer, 39 ans, stérile. Mais cette Texane s’inquiète pour ses deux filles et son fils transgenre, âgés de 20, 19 et 15 ans. «Ils ont le droit de décider: je veux cet enfant ou je ne veux pas d’enfant», estime-t-elle.

Son État du Sud, aux politiques très conservatrices, interdit depuis des mois d’avorter dès six semaines de grossesse et cherche à bannir totalement la procédure sur son sol. Sarah Kratzer craint que les élus s’en prennent ensuite aux «pilules du lendemain», honnies par les opposants à l’avortement les plus radicaux.

Dès la fuite de l’avant-projet d’arrêt de la Cour suprême, début mai, elle a commencé à constituer des stocks de ce contraceptif d’urgence, disponible sans ordonnance et commercialisé en libre-service dans les pharmacies mais aussi de nombreux magasins généralistes.

Ces pilules, utilisables jusqu’à trois jours après un rapport non protégé pour éviter la fécondation, périment après trois ou quatre ans et Sarah Kratzer espère que, d’ici là, le droit à l’IVG aura été rétabli.

Aller dans d’autres pays

Sinon, «j’irai dans d’autres pays pour en acheter et je trouverais le moyen de les rapporter», dit celle qui a également acheté des tests d’ovulation et des tests de grossesse pour ses enfants, dont deux sont sous contraceptif.

Comme elle, de nombreuses Américaines se sont ruées ces dernières semaines sur les «pilules du lendemain», si bien que la chaîne de pharmacie CVS a limité le nombre les achats pour éviter des pénuries.

Kayla Pickett, une élève infirmière de 22 ans, vit avec son petit ami à Akron, dans l’Ohio, un État conservateur du Nord où le droit à l’avortement est déjà fortement restreint. Le couple envisage de déménager l’an prochain dans le Colorado, aux lois plus progressistes, et de s’expatrier dès qu’il en aura les moyens.

«Nous sommes tous les deux Afro-Américains et nous voulons vivre dans un État dans lequel nous aurons des droits», explique la jeune femme qui, en attendant de quitter l’Ohio, s’est fait implanter un stérilet dans un centre de planning familial.

Une contraception plus durable

Sous pilule depuis ses 15 ans, elle a opté la semaine dernière pour ce contraceptif plus durable – de 5 à 10 ans – par crainte que la Cour suprême revienne aussi sur le droit à la contraception, comme l’a suggéré l’un de ses juges.

«Je veux être prête à tout», explique Kayla Pickett.

Quand Meagan McKernan, 33 ans, a appris le revirement de la Cour suprême, elle a ressenti de la peur et de la colère, mais aussi «du soulagement» parce qu’elle avait anticipé cette décision.

Employée d’une entreprise de vente aux enchères sur internet, elle ne veut pas avoir d’enfant et a entamé au printemps les démarches pour se faire ligaturer les trompes. Sa consultation pré-opératoire est prévue pour le 9 juillet.

«Ne jamais ressentir ça à nouveau»

En mai, croyant, à tort, être enceinte, elle avait ressenti «de la terreur»: «il me fallait une solution permanente pour ne jamais ressentir ça à nouveau», dit-elle, en admettant avoir «le privilège» de pouvoir s’offrir une opération qui peut coûter jusqu’à 6.000 dollars à la patiente.

Meagan McKernan a aussi la chance de vivre dans le Connecticut, au nord de New York, où les droits des femmes semblent à l’abri. Prudente, elle préfère malgré tout assurer ses arrières: «je ne veux perdre aucun de mes droits à choisir ce qui est le mieux pour moi».

Dans la même logique, la presse américaine a rapporté que les demandes d’informations pour vasectomie – une intervention chirurgicale permettant une stérilisation chez les hommes – ont augmenté depuis l’arrêt du 24 juin.