Violée par des soldats russes, cette Ukrainienne se confie: «Je n’ai plus envie de vivre»

Une Ukrainienne violée par plusieurs soldats russes a tenu à partager son calvaire.

par
AFP
Temps de lecture 4 min.

Ce témoignage illustre les craintes d’organisations de défense des droits humains qui relèvent des indices d’utilisation du viol comme «arme de guerre» en Ukraine.

Rencontrée à Zaporojie, une ville où affluent chaque jour par milliers les déplacés jetés sur les routes par l’occupation russe du sud de l’Ukraine, cette femme blonde et potelée, au visage doux, est venue attendre un car pour rejoindre ses quatre enfants à Vinnytsia, dans le centre. Dès le premier jour de l’invasion, le 24 février, elle les a envoyés là-bas, loin de leur maison de la région de Kherson (sud), en première ligne face à l’invasion.

Son mari, qui combat depuis deux ans les séparatistes prorusses dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, envoyé au front, Elena explique qu’elle est restée seule sur place pour évacuer leurs biens.

Mais en raison du danger encouru sur ce trajet et de la présence de militaires russes, elle n’est pas parvenue à trouver un véhicule pour vider leur maison et c’est là que le drame s’est produit, dans l’après-midi du 3 avril, poursuit cette mère de famille. «Vers 15H00, je suis allée dans une épicerie. Pendant que je faisais la queue, des militaires russes sont entrés et ont commencé à discuter avec des clients», raconte Elena. «Je n’entendais pas de quoi ils parlaient, mais je me suis aperçue qu’un des habitants me montrait du doigt en disant ’c’est une banderovka’«se remémore-t-elle. L’homme se référait aux nostalgiques du dirigeant ultranationaliste ukrainien Stepan Bandera, qui collabora avec l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique.

«Je veux juste retrouver mes enfants»

«’C’est à cause de gens comme elle que cette guerre a éclaté’», a-t-il ajouté, selon elle, «’c’est la femme d’un militaire’«. «J’ai compris qu’ils m’observaient alors je suis rapidement sortie de la boutique. J’ai à peine eu le temps de rentrer, les deux soldats russes sont entrés par la porte derrière moi. Je n’ai pas eu le temps de prendre mon téléphone pour appeler à l’aide, ni de faire quoi que ce soit», dit encore Elena.

«Sans un mot, ils m’ont poussée sur le lit, m’ont écrasée avec une mitraillette et déshabillée», lâche la jeune femme avant de fondre en larmes. «Ils ne parlaient presque pas, à part quelquefois pour me traiter de ’banderovka’ ou se dire entre eux ’à ton tour’. Et puis, vers quatre heures, ils sont partis parce que c’était le moment d’aller prendre leur tour de garde» dans leur camp.

Elena affirme n’en avoir encore parlé à personne, pas même à un médecin ou à un psychologue, et surtout pas à son mari. «Je suis sage-femme, je me suis administrée les premiers soins moi-même», raconte-t-elle. «Je trouverai tout ce dont j’ai besoin une fois arrivée à destination, je veux juste retrouver mes enfants».

Interrogée sur son état physique et psychologique, elle éclate de nouveau en sanglots: «Je me dégoûte. Je n’ai plus envie de vivre».

Des milliers de femmes violées?

La section ukrainienne de l’ONG La Strada, qui défend les droits des femmes, a reçu à ce jour sur son numéro vert «des appels concernant sept cas de viol de femmes et d’enfants ukrainiennes par des occupants russes», a déclaré au téléphone à l’AFP une responsable de l’organisation, Aliona Kryvouliak. Mais elle s’attend à des chiffres bien plus importants quand le choc et l’effet de sidération des victimes commenceront à se dissiper. «Il peut y avoir des centaines, voire des milliers, de femmes et de jeunes filles violées», estime Aliona Kryvouliak.

Le premier appel, le 4 mars, de Kherson, portait sur «le viol collectif d’une mère et de sa fille de 17 ans par trois hommes», les autres cas ont été signalés dans la région de Kiev «après le 12 mars», souligne-t-elle. «Des militaires russes ont commis des violences sexuelles contre des femmes et des hommes ukrainiens, contre des enfants et des personnes âgées», a affirmé dans une déclaration diffusée cette semaine la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova.

Elle a insisté sur la nécessité de la collecte de preuves, tout en reconnaissant la difficulté de les recueillir dans un pays en guerre, dans des zones où le réseau téléphonique mobile ou électrique est perturbé. Mais c’est sans doute une justice plus expéditive qu’imagine Elena pour ses bourreaux et leurs complices. «Je suis certaine que l’Ukraine reprendra ces territoires aux soldats russes et que les nôtres se vengeront d’eux», assure-t-elle. «Et je ne pointerai pas du doigt ces habitants qui m’ont désignée du doigt. Je les montrerai du doigt à mon mari», se promet-elle, sans révéler quel châtiment serait à ses yeux à la hauteur de leur crime.