Vladimir Poutine peut-il réellement priver l’Occident d’internet?

Depuis une semaine, les fuites de différents gazoducs Nord Stream laissent penser qu’il est possible d’être victimes d’actes de sabotage à cause de la guerre en Ukraine. Une nouvelle question se pose donc pour les dirigeants du monde entier et autres observateurs neutres: est-il possible de couper l’internet mondial?

par
Sébastien Paulus
Temps de lecture 3 min.

Pourquoi les câbles sous-marins sont-ils essentiels?

Depuis plus d’une décennie, les câbles sous-marins qui alimentent l’Internet mondial sont un nouvel enjeu essentiel dans les relations internationales. Suite au sabotage soupçonné des gazoducs Nord Stream, la crainte de voir un traitement similaire pour cette autoroute numérique est réelle en Occident. Car outre notre utilisation quotidienne d’internet, cela bousculerait également toutes les transactions sur les marchés financiers, pour ne citer qu’elles.

Au total, ce réseau colossal s’étend sur 1,3 million de kilomètres, exploité principalement par des sociétés comme Google et Microsoft. Et la zone où les câbles sont les plus nombreux est bien évidemment entre l’Europe et les États-Unis. «S’ils ne prêtent pas une attention particulière à la sécurisation de ces câbles, les pays occidentaux ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes», estime Keir Giles, expert en guerre de l’information.

La menace est-elle réelle?

Car la Russie pourrait bien décider de s’attaquer à ce réseau pour frapper l’Occident là où ça fait mal. Il faut dire qu’il n’est pas compliqué de s’attaquer à ces kilomètres de câbles, car ceux-ci se trouvent bien souvent dans des zones reculées et ne sont pas gardés. De la même façon, il est possible pour des régimes de se brancher sur ces câbles à des fins de surveillance, ce qui pourrait aussi causer des dégâts colossaux. Et si la menace est réelle en temps de guerre, des décideurs politiques ont tiré la sonnette d’alarmes depuis plus de dix ans, demandant d’augmenter la sécurité de ces réseaux, en vain. Il y a deux ans, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, déclarait que les câbles sous-marins étaient vitaux pour la société civile, mais aussi pour des raisons militaires.

Jusqu’à présent, les câbles sont généralement endommagés à cause de l’activité maritime, comme par exemple les filets de pêche ou les ancres de bateaux. Il n’existe pas encore de cas avéré de câbles coupés pour des raisons géopolitiques, mais qui sait ce qui peut arriver dans les prochaines semaines?

Quelles conséquences si une attaque survient?

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les médias ont d’ores et déjà prévenu à plusieurs reprises que la Russie disposait des moyens pour mettre hors-service une partie de ces installations sous-marines, ce qui paralysierait certains réseaux occidentaux. Situés à moins de 100 mètres sous l’eau, ces câbles pourraient être détruits par un sous-marin ou par un appareil téléguidé qui placerait des explosifs à un endroit critique. «La Russie a développé la capacité de mettre en danger ces câbles sous-marins et potentiellement d’exploiter ces câbles sous-marins», a déclaré Tony Radakin, chef des forces armées britanniques, lors d’une audience en janvier.

Ce qui manque encore à Moscou et à Vladimir Poutine, c’est sans doute la capacité de mener ces attaques à l’échelle mondiale, afin de faire trembler de façon significative le réseau internet occidental. En effet, tous les réseaux disposent de câbles de secours pour palier à d’éventuels dommages sur le court terme, afin de ne pas perturber l’activité en ligne des utilisateurs. En cas d’attaque, le Kremlin pourrait par exemple mettre hors service d’un réseau régional reliant les pays baltes au reste de l’Europe, mais pour avoir un impact à long terme sur le réseau mondial, il devrait agir à une échelle qui serait détectée par les agences de sécurité nationales en Occident. Nous n’en sommes plus à un stade où couper un câble revenait à provoquer une panne globale, fortheureusement.