Les dupes vont-elles détrôner les pièces de collection chez les jeunes?

Vivons-nous dans un monde de dupes? Il ne s’agit pas ici de théories du complot, mais d’imitations, voire de copies, de produits de grandes marques, à la limite parfois de la contrefaçon. Un phénomène qui prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux au point que les influenceurs dénichent désormais avec fierté ces versions low-cost de sacs, vêtements, chaussures, et autres produits de beauté puisant leur inspiration sur les podiums.

par
ETX Daily Up Studio
Temps de lecture 5 min.

Tout le monde n’a pas la possibilité d’investir son salaire dans un sac Prada, loin de là, alors le commun des mortels se tourne parfois vers des pièces ressemblantes, quasi similaires dans le style en tout cas, à des prix défiant toute concurrence. Cette tendance n’est pas nouvelle, les imitations datant de plusieurs décennies, si ce n’est plus, mais qui n’a jamais jusqu’alors fait l’objet d’une telle fierté. Entre imitations et contrefaçons – la frontière est parfois très mince – ce que l’on appelle aujourd’hui des dupes pullulent sur les réseaux sociaux pour le plus grand bonheur des utilisateurs qui se font une joie de dénicher les imitations low-cost de produits de grandes maisons de luxe. Un phénomène qui touche tous les secteurs, des cosmétiques à l’alimentation, mais qui concerne plus particulièrement la mode où ces imitations semblent désormais partout. Bienvenue dans la nouvelle ère des dupes.

Près de trois milliards de vues

Des baskets, des sacs à main, des vêtements, des parfums, des sous-vêtements, des crèmes de jour, et même des paquets de chips: tous les produits semblent aujourd’hui avoir leur(s) dupe(s) sur les réseaux sociaux. Il suffit pour cela de découvrir les innombrables vidéos qui se cachent derrière le hashtag #dupe, qui a généré à ce jour pas moins de 2,8milliards de vues sur TikTok. Et c’est sans compter sur ses dérivés: #makeupdupe, #perfumedupe, #skincaredupe, #leggingsdupe, #fashiondupe, #zaradupe, ou encore #fentydupe, qui en comptent chacun plusieurs millions, et permettent d’accéder à des résultats encore plus précis. Il existe même un hashtag #dupechallenge (près de 60millions de vues) qui consiste à se rendre dans des magasins, le plus souvent de grandes enseignes, pour partir en quête des meilleurs dupes.

Un phénomène nouveau, non pas dans le fond mais sur la forme, puisque dénicher des copies, imitations, ou produits s’inspirant de l’offre de grandes maisons, semble être devenu un sport national, et plus encore une fierté, alors que c’était jusqu’alors source de honte, sinon d’embarras. Les utilisateurs des réseaux sociaux, TikTok en tête, s’en donnent aujourd’hui à cœur joie pour mettre la main sur des vêtements et accessoires à bas prix puisant leur inspiration sur les podiums de Prada, Gucci, ou Fendi, et même dans les rayons de marques grand public comme Skims, Fenty, ou encore Zara. Une tendance forte qui témoigne du nombre incalculable de duplicatas en circulation, et – constat inattendu – du fait que même les marques qui dupent sont dupées. Incroyable, mais vrai.

Le dupeur dupé

Il est difficile de dater avec précision les prémices de cette folie des dupes, mais dès le printemps 2022, les voyants semblaient au vert pour que le phénomène s’embrase avec le challenge «Zara vs Shein». Porté par quelque 60millions de vues, ce défi d’un genre nouveau consistait alors à mettre en parallèle des vêtements similaires – voire quasi identiques – achetés chez les deux géants de la mode, et de se réjouir d’avoir dépensé deux ou trois fois moins chez Shein, mastodonte chinois de l’ultra fast-fashion. Paradoxalement, nombreuses sont aussi les vidéos qui mettent en lumière des dupes dénichés chez Zara s’inspirant d’autres marques de mode. Un puits sans fond. Le challenge, qui a servi pour certains à dénoncer les nombreuses copies réalisées par Shein, s’est toutefois surtout traduit par un engouement sans précédent pour ces versions low-cost de produits en tout genre.

Une poignée d’utilisateurs en a même fait sa marque de fabrique, en proposant des comptes entièrement dédiés aux dupes dans la mode et la beauté, s’attelant à rechercher pour le public tous les dupes existant sur le marché. Sur Instagram, ils sont nombreux à œuvrer en ce sens. C’est notamment le cas du compte Dupes Mode, suivi par plus de 10.000personnes, qui met l’accent sur des produits (très) ressemblants à des prix (très) différents. Mais ce n’est pas le seul, loin de là, ces comptes se multipliant à vitesse grand V sur nombre de réseaux sociaux, témoignant de l’intérêt grandissant pour un marché qui semble sans limites… D’autant plus dans un contexte inflationniste.

«Doupe», une blague qui montre l’ampleur du phénomène

Et le phénomène n’est pas près de s’arrêter, d’autant plus que peu de maisons de luxe et autres grandes marques de prêt-à-porter donnent de la voix pour l’enrayer. Début janvier, l’utilisatrice Blythe Snyder a fait parler d’elle sur TikTok grâce à une vidéo visionnée plus de trois millions de fois. Alors qu’elle se trouvait chez Target, la jeune femme a commencé à énumérer le nombre de dupes se trouvant dans les rayons – Skims, Prada, Gucci, Balenciaga, Fendi, etc. – mettant l’accent sur le mot dupe qu’elle prononce «doupe». Il n’en a pas fallu plus pour que les utilisateurs reprennent en chœur cette ritournelle se rendant tour à tour dans des enseignes bien connues pour y dénicher leurs propres dupes usant de la même prononciation.

Un jeu, sinon une blague, qui n’est pourtant pas sans faire remarquer que les dupes sont bel et bien partout, et qu’ils séduisent plus que jamais les générations les plus jeunes. Un phénomène qui grandit à une époque où la fast-fashion, et autres enseignes de mode à bas prix, sont pointées du doigt pour leur manque d’éthique, et les montagnes de déchets textiles qu’elles induisent aux quatre coins du globe. Un récent rapport de la Changing Markets Foundation révèle que «la France déverse chaque année au Kenya un quart de million de vêtements usagés en fibre synthétique de plastique, trop sales ou endommagés pour être réutilisés», induisant «de graves problèmes sanitaires et environnementaux pour des populations vulnérables».

Ces versions low-cost s’inspirent la plupart du temps des produits de grandes marques, plus qu’elles ne les copient ou ne les imitent, sachant qu’elles sont bel et bien griffées du nom de la marque finale. Il ne s’agirait donc pas à proprement parler de contrefaçons, bien que la frontière demeure parfois très mince, et que ces nouvelles pratiques puissent interroger.

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