Salah Abdeslam aurait renoncé à se faire exploser «par humanité, pas par peur»

«Je vais rentrer dans ce café, regarder les gens autour…». Au procès du 13-Novembre, Salah Abdeslam a, pour la première fois, raconté mercredi sa soirée dans le détail, et a maintenu avoir «renoncé» à se faire exploser à Paris.

par
AFP
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Le suspense n’aura pas duré longtemps. Il est 18h15 quand débute l’ultime interrogatoire du seul membre encore en vie des commandos.

La dernière fois, Salah Abdeslam avait refusé de répondre aux questions, invoquant son droit à se taire. «C’est parce que je ne me suis pas senti écouté», lance-t-il au président de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès.

Une dernière explication

«Je fais marche arrière, je vais m’expliquer parce que c’est la dernière fois que j’aurai l’occasion de le faire», annonce le principal accusé, provoquant des exclamations soulagées dans la salle d’audience.

Il ne «promet rien» mais va cette fois beaucoup en dire sur sa «mission», «l’objectif» qui lui était fixé le 13 novembre 2015, la nuit des attentats qui feront 130 morts à Paris et Saint-Denis.

«Je vais rentrer dans ce café (dans le 18e arrondissement de Paris), je vais commander une boisson, je vais regarder les gens autour de moi et je me suis dit ‘Non, je vais pas le faire’», relate Salah Abdeslam au bout de quelques minutes, polo rayé bleu et blanc et gilet sombre sur le dos.

«Je voyais les gens rigoler, danser, je comprends que j’allais pas le faire», ajoute le Français de 32 ans. Après avoir «renoncé», il a «repris la voiture» avec laquelle il avait convoyé les trois kamikazes au Stade de France. «Je roule, je roule, je roule», mais la voiture «tombe en panne».

Deux options

«Avec une ceinture explosive, je suis cramé», continue Salah Abdeslam, très prolixe dans le box. «Deux solutions s’offrent à moi: soit je rentre en Belgique, soit je vais jusqu’au bout et je me fais exploser».

Il dit avoir erré dans Paris, appelé «tout le monde» pour qu’on vienne le chercher, mais «c’est l’imprévu total», la «sidération». Il prend alors un taxi pour aller au sud de la capitale. Il se débarrasse de la ceinture à Montrouge et marche jusqu’à Châtillon où il sera récupéré au petit matin du 14 novembre par deux «copains» belges, aujourd’hui ses coaccusés.

Salah Abdeslam soutient qu’il n’a intégré le projet d’attentats à Paris qu’«au dernier moment», le 11 novembre 2015, et qu’il n’en connaissait pas les détails, juste qu’il devrait se «faire exploser».

«Le choc»

«C’est un choc pour moi», «je devais partir en Syrie», assure le principal accusé, au collier de barbe noire. «Je vais finir par accepter».

Le président Jean-Louis Périès tente d’en savoir plus. «Je suis au courant que de ce que je vais faire moi», maintient l’accusé. «Mon frère (Brahim, futur tueur des terrasses, NDLR), il avait une ceinture, une kalachnikov, je sais qu’il va tirer, je sais qu’il va se faire exploser mais je connais pas les cibles».

«Vous saviez que c’était des terrasses, une salle de concert?», relance le président. «Non, non», balaie Salah Abdeslam.

La cour rappelle qu’il a dit à plusieurs proches qu’il avait failli à sa mission car sa ceinture n’avait pas fonctionné.

«C’était un mensonge dont je n’ai pas réussi à me défaire tout au long de ma cavale. Alors, je l’ai pris comme une réalité», affirme-t-il.

Honte de la vérité

Aux autres membres de la cellule djihadiste, il a «honte» de dire la vérité. Mais «j’ai renoncé par humanité, pas par peur», assurera Salah Abdeslam plus tard.

Un peu avant 20h00, le président Périès se tourne vers la cour. «On va peut-être arrêter là pour la soirée…»

Grand sourire dans le box de Salah Abdeslam: «Avec moi, on sait pas à quoi s’attendre. Des fois je parle, des fois je parle pas…».

Le président finira par suspendre l’audience une heure plus tard. L’interrogatoire de Salah Abdeslam reprendra jeudi, en deuxième partie d’après-midi.