La marque Shein bientôt interdite dans l’Union européenne?

Ce n’est pas nouveau, l’ultra fast-fashion et le modèle de Shein sont tout sauf écologiques. Mais le succès récent d’une boutique éphémère Shein à Paris a permis de pousser la réflexion encore un peu plus loin. Faut-il bannir carrément Shein de l’Union européenne?

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 4 min.

En seulement quelques années, la marque chinoise Shein s’est imposée comme un acteur majeur de la mode. Mais à quel prix? Pour les clients, pas grand-chose. Ils y trouvent des t-shirts à 5 € et des robes à moins de 10 €.

La face cachée de Shein

Par contre, le coût humain et écologique est bien plus important. Fin 2021, l’ONG suisse Public Eyes a publié un rapport effarant sur les conditions de travail dans les usines chinoises qui confectionnent les vêtements vendus sur Shein. Des enquêtrices chinoises mandatées par l’ONG se sont infiltrées dans des usines du groupe. Elles ont constaté que de nombreux ateliers informels sont sans issues de secours et aux fenêtres condamnées. Le rapport montre également que des ouvriers et ouvrières, qui proviennent des provinces les plus pauvres du pays, travaillent onze à douze heures par jour, avec un seul jour de congé par mois.

Un succès qui pose question

Récemment, l’ouverture d’une boutique éphémère de Shein à Paris a relancé le débat. Des milliers de personnes, principalement des jeunes, ont fait la file pendant des heures pour entrer dans ce magasin et acheter des produits Shein. Cela n’a pas manqué de faire réagir Raphaël Glucksmann, député européen, essayiste et humaniste. «Chaque succès commercial de Shein – ici le pop-up store à Paris – est une défaite cinglante pour les droits humains et l’écologie. Il est de notre responsabilité de législateurs de rendre impossible pareil business model fondé sur l’abolition des droits sociaux et la destruction de l’environnement. Nous savons que derrière les t-shirts à 2 € ou les robes à 9 € de Shein se cache un insupportable système d’exploitation», a-t-il écrit sur ses réseaux sociaux où il est suivi par des centaines de milliers d’abonnés.

Plus de 100.000 signatures

Parallèlement, une pétition a vu le jour sur Change.org. Intitulée «Interdire la marque Shein en France», elle a déjà été signée plus de 100.000 fois. «Ses méthodes de production et le caractère jetable de ses vêtements sont une menace pour l’environnement. Elles sont rendues possibles grâce à un système d’exploitation humaine et d’une stratégie commerciale si agressive qu’elle semble relever de pratiques anticoncurrentielles, notamment celle des prix abusivement bas. Son modèle est incompatible avec un développement durable de l’industrie de la mode et du vivant en général», soulignent les anonymes derrière cette pétition. Ils demandent que l’entreprise chinoise soit interdite en France et dans l’Union européenne. Pour appuyer cette interdiction, ils mettent notamment en avant le fait que certains vêtements proposés sur la plateforme contiennent des substances toxiques pour la santé interdites en Europe.

Des produits dangereux

Et effectivement, Greenpeace Allemagne a réalisé des tests via un laboratoire indépendant sur 47 produits commandés aléatoirement sur le site Shein. 15% d’entre eux contenaient des produits chimiques dangereux qui enfreignent les limites réglementaires de l’UE. «Les propositions de l’UE doivent s’attaquer au système d’exploitation et de destruction de l’ultra fast-fashion, qui ne devrait avoir sa place dans aucune industrie du 21e siècle. Les entreprises doivent être tenues pleinement responsables de l’exploitation environnementale et sociale dans leurs chaînes d’approvisionnement et des impacts des déchets de la mode. Cette question doit également être abordée de toute urgence par le biais d’un traité mondial, similaire au traité sur les plastiques récemment discuté à l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, afin de s’attaquer enfin à l’énorme empreinte de la mode», indique Viola Wohlgemuth, chargée de campagne pour Greenpeace Allemagne.

Vers une interdiction?

Des mesures à l’échelle nationale ou européenne pourraient-elles être prochainement prises contre Shein? Dans son message, Raphaël Glucksmann laissait entrevoir qu’il militerait pour une interdiction de Shein en Europe. «Ces images de foule devant le pop-up store à Paris rappellent combien sont cruciaux les textes que nous portons au Parlement européen sur le devoir de vigilance des entreprises et le bannissement des produits de l’esclavage de nos marchés», a-t-il lancé.

«Dans les semaines à venir, j’aurai besoin de vous pour contrer l’influence des lobbies et rappeler à vos représentants que l’intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers, aussi puissants soient-ils», a conclu le député européen dans son message du 9 mai. Shein va-t-il bientôt être interdit chez nous? La mobilisation s’organise et est en marche. Réponse dans les prochains mois.

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