Pourquoi les hommes sont en train de perdre leur chromosome Y

C’est une découverte scientifique qui avait fait l’effet d’une bombe: les chromosomes Y sont en train de disparaître chez les hommes. Cela veut-il dire que notre humanité est vouée à l’extinction? Pas si vite. Des chercheurs viennent d’identifier un tout nouveau gène qui offre une lueur d’espoir quant à la survie de notre espèce.

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par
Oriane Renette
Temps de lecture 4 min.

Si vous vous rappelez de vos cours de biologie, vous vous souvenez sans doute que ce sont deux petits chromosomes, le X et le Y, qui définissent le sexe biologique d’un enfant à naître: XX et il sera féminin, XY et il sera masculin. Cela vaut pour l’être humain, comme pour beaucoup d’autres espèces. Mais voilà: le chromosome Y pourrait bien être amené à disparaître.

Des gènes en voie de disparition

Ce chromosome Y contient très peu de gènes: près de 55 contre près de 900 pour son camarade, le X. Une configuration que l’on retrouve chez la plupart des mammifères… sauf chez l’ornithorynque d’Australie. Ses chromosomes sexuels à lui comportent le même nombre de gènes actifs.

Cette découverte suggère donc, aux yeux des scientifiques, que le chromosome Y se serait dégradé chez l’être humain au fil des années, perdant peu à peu ses gènes. Quelque 900 gènes actifs auraient ainsi été perdus en 166 millions d’années.

Ce qui explique cette dégénérescence de l’Y? La question fait encore débat. Par contre, on sait qu’à ce rythme (soit cinq gènes perdus par million d’années), les gènes restant auraient tous disparu d’ici… 11 millions d’années.

Le SRY, un gène clé

Même si, ici encore, les projections divergent, cela signifie que l’être humain devrait donc «perdre» son chromosome Y à l’avenir. Or, s’il contient nettement moins de gènes que son acolyte, le chromosome Y comporte cependant un gène capital: le SRY. C’est ce «gène maître» qui déclenche la différenciation sexuelle, autrement dit, le développement des caractéristiques mâles chez l’embryon (testicules et hormones).

En théorie donc, la perte de ce chromosome et de ses gènes devrait entraîner la disparition des mâles et par conséquent, la fin d’une espèce. Mais la découverte d’un petit rongeur japonais est venue mettre fin à ces sinistres projections.

La disparition du Y: quelles implications pour notre humanité?

Avec la fin de vie annoncée de notre chromosome Y (et donc du gène clé SRY) se pose une question: cela signifie-t-il que notre espèce, l’humanité, est à terme condamnée? Une récente découverte scientifique à ce sujet a de quoi rassurer. Et c’est aux rats japonais que l’on doit ce ‘ouf’ de soulagement.

En effet, le Tokudaia osimensis (ou rat épineux du Japon), qui habite l’île nipponne de Amami Oshima, intrigue les scientifiques depuis des décennies pour la simple et bonne raison qu’ils vivent… sans chromosome Y. Seuls persistent les X. Leur espèce compte pourtant bien des individus de sexe masculin, d’autres de sexe féminin. Et surtout, elle ne s’est pas éteinte pour autant.

Un changement de génome minime…

Par leur particularité, ces rats épineux font donc l’objet d’études depuis trois décennies. Des biologistes de l’université japonaise d’Hokkaido se sont penchés sur le cas de ces petits rongeurs. Ils ont compris que certains gènes anciennement présents sur le Y se sont retrouvés sur d’autres chromosomes X. Quant au gène SRY? Il a tout bonnement disparu. Sans s’être déplacé ailleurs, ni avoir donné lieu à un équivalent avant de s’éteindre. Mais alors, qu’est-ce qui provoque la différenciation sexuelle chez ces rongeurs? En affinant leurs recherches, les scientifiques japonais ont pu percer le mystère.

Ils ont ainsi identifié une minuscule duplication génétique uniquement présente chez les mâles Tokudaia osimensis. C’est ce petit bout d’ADN dupliqué qui contient tous les éléments nécessaires à l’activation du gène Sox9. Ce gène sexuel est celui qui est responsable de la formation des attributs masculins. Un gène sexuel qui est activé par le SRY chez tous les autres mammifères.

Autrement dit: cette séquence ADN, appelée Enh14, se substitue à la fonction du SRY dans la détermination du sexe. Entraînant ainsi un renouvellement des chromosomes sexuels.

… pour de grandes conséquences

Selon ces scientifiques, qui font état de leur découverte dans un article paru dans le PNAS [Proceedings of the National Academy of Science], cette évolution aurait pris pas moins de deux millions d’années pour se mettre en place chez les rongeurs.

Il semblerait donc qu’au final l’Y ne soit pas entièrement nécessaire à la survie d’une espèce. Et qu’un nouveau gène déterminant le sexe biologique pourrait apparaître chez l’être humain.

Mais ce «nouveau gène» soulève son lot de questions. Quid de son évolution à long terme? Verra-t-on un jour plusieurs espèces différentes d’êtres humains frôler la Terre? Pour le savoir, rendez-vous dans 11 millions d’années!

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