La mode, c'est du Belge !

par
joris
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© Photo: Ronald Stoops 1995

L'exposition « The Belgians - An Unexpected Fashion Story » a pris ses quartiers au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Co-produite par Bozar et le centre bruxellois de la mode et du design MAD, elle met en lumière le travail d'une centaine de designers, des premiers pionniers à la nouvelle génération actuelle. Didier Vervaeren, enseignant à La Cambre et directeur artistique au MAD, en est le commissaire et nous en fait la visite.

L'idée

« Je ne voulais pas d'une expo rétrospective. Ce n'est pas non plus un catalogue raisonné. Il était important de parler de la mode belge et des créateurs qui l'ont inventé, incarné, et qui font qu'aujourd'hui encore de nouvelles générations se succèdent et continuent à faire perdurer cette réputation. L'idée était aussi de vulgariser la mode, ce n'est pas une expo qui s'adresse à un public averti. »

L'héritage

« Cela commence par un hommage surréaliste, parce que la mode belge est à l'image de la Belgique, un truc inventé de toute pièce. Ce n'est pas quelque chose qui existait dans notre culture. J'ai voulu que la première salle soit un grand cabinet de curiosités, avec des clins d'œil à la mode et à notre patrimoine. On retrouve notamment la première veste de Martin Margiela de 1989 en réplique, un chapeau-boule d'Elvis Pompilio, ou encore ce sac ‘Ceci n'est pas un Delvaux' de chez Delvaux. De quoi mettre le spectateur dans un état d'esprit. »

A style is born

« Il fallait ensuite contextualiser l'exposition via 40 créateurs de mode. Cela débute par des créations d'Ann Salens et Yvette Lauwaert qui, au début des années 70, ont commencé à avoir le statut de créatrice. Viennent ensuite un choix de stylistes qui ont, par leur travail, fait avancer la mode. Cela peut être avec une identité très avant-garde comme Martin Margiela ou plus ‘salon' comme Edouard Vermeulen. Je ne voulais pas faire de jugement de style. Cette armée de mannequins est un parcours qui permet également de comprendre qu'il y a avait un avant et un après les Six d'Anvers : Dirk Van Saene, Ann Demeulemeester, Marina Yee, Walter Van Beirendonck, Dries Van Noten et Dirk Bikkembergs. Les années 80 sont la période où la mode belge trouve sa personnalité. Puis vont se succéder des tas de générations avec notamment Jean-Paul Knott, Gerald Watelet, Raf Simons, Bruno Pieters jusqu'à la dernière vague, dont Cédric Charlier et Jean-Paul Lespagnard. J'ai voulu les illustrer avec des créations qui correspondent à leurs débuts. »

Cinq créateurs

« J'ai voulu également mettre en exergue cinq créateurs. Olivier Theyskens, notamment, qui est pour moi le premier qui a donné un écho à la mode anversoise depuis les Six D'Anvers et qui a habillé Madonna. Il y a encore Ann Demeulemeester, Walter Van Beirendonck, Diane von Furstenberg et Elvis Pompilio. Pour quoi eux ? Parce c'est mon choix (rires) mais surtout pour montrer qu'il y a une manière très narcissique de faire de la mode. Il y a toujours, dès le départ, un grand engagement personnel. Ces cinq personnalités sont intimement liées à leur travail. Quand on voit cette robe porte-feuille de Diane, elle incarne vraiment la femme qu'elle habille. »

Le laboratoire

« Il n'y a pas de mode sans les écoles. On l'étudie comme la peinture ou le graphisme. Et c'est très déterminant dans la manière de voir les choses, le travail fini, le volume, etc. Dans les défilés d'école, on sort très souvent des cadres et cela peut aller loin. Ici, on a voulu proposer un aperçu, une sélection de travaux d'étudiants des 20 dernières années. Montrer à quel point la méthodologie et la pédagogie ne changent pas. Les étudiants doivent expérimenter, et c'est en cela que les écoles sont des laboratoires d'idées. »

Cinq univers

« J'avais envie de mettre en scène cinq créateurs qui ont quelque chose de très fort dans leur vocabulaire. Par exemple, la première collection d'A.F. Vandevorst était très militaire-clinique-cheval-cuir, et c'est la même chose aujourd'hui. Chez Edouard Vermeulen, c'est plutôt très poudrés, très salon. Dries van Noten est l'un des plus impressionnants. Ca fait 30 ans qu'il fait de ses collections une histoire qui emmène à chaque fois le public. Pour Raf Simons, on a pris un parti pris plus culture jeune. Enfin, Jean-Paul Lespagnard s'est fait tatoué un dessin de Wim Delvoye sur son bras. On retrouve donc ici une œuvre de l'artiste qui est un carrelage fait en charcuterie. Parce que ne montrer que des vêtements auraient été insuffisants. »

« The Belgians – An Unexpected Fashion Story », jusqu'au 13 septembre à Bozar