Fanny Ruwet prend le Metro : «La vie ? 25 ans avant que ça ne devienne chouette !»

MSN et les skyblogs ont rythmé votre adolescence? Alors vous allez forcément vous retrouver dans le premier roman de Fanny Ruwet. La podcasteuse, raconteuse de blagues et chroniqueuse sur France Inter, nous livre «Bien sûr que les poissons ont froid»: l’histoire d’Allie qui part à la recherche de Nour, un garçon qu’elle a rencontré sur MSN dix ans plus tôt.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 6 min.

EN VRAI

Est-ce que tu as eu un Nour dans ta vie?

«Oui, le roman parle d’un vrai truc! Nour est vraiment un garçon que j’ai rencontré quand j’avais 15 ans. On s’est trop bien entendus. Il m’a beaucoup aidée dans une période où c’était un peu nul. On s’est perdus de vue puisque MSN et Skyblog ont fermé. Il y a trois ans, j’en ai parlé à mon copain Max et on s’est lancés dans l’enquête pour le retrouver sur internet. Donc la base est vraie, mais j’en ai fait une fiction.»

Quelle proportion de vérité y a-t-il?

«Je dirais 50/50, comme ça les gens ne savent pas (rires)! J’aime bien cette ambiguïté. En général, les trucs que les gens pensent vrais sont faux et vice versa.»

Comment t’est venue l’idée d’écrire un livre?

«J’ai toujours vu la littérature sur un piédestal. C’était presque le truc inaccessible… mais qui me restait dans un coin de la tête. Il y a deux ou trois ans, les éditions de l’Iconoclaste m’ont contactée. J’avais l’impression qu’on était sur la même longueur d’ondes, et qu’on pouvait faire quelque chose de beau et de nuancé. Je ne voulais pas faire que de l’humour. J’avais envie d’un truc un peu sérieux, un peu premier degré, même s’il y a plein de blagues. Ensuite, je l’ai écrit au fur et à mesure de mes recherches. Parfois, je n’avançais pas dans le livre parce que la vraie enquête n’avançait pas!»

GEEK

C’est le roman de la génération MSN et skyblogs. Le virtuel, il était mieux à cette époque-là?

«C’est dur à dire. On peut critiquer beaucoup de chose avec ça… Mais en vrai, c’est tellement chouette! Ça m’a apporté tellement dans la vie! Des rencontres, la plupart de mes jobs, la plupart de mes histoires d’amour aussi. Le virtuel, c’est un peu l’endroit où on allait quand on n’arrivait pas trop à s’intégrer dans la vraie vie. C’était un bon moyen d’avoir des gens qui nous apprécient, qui nous soutiennent et avec qui on peut vraiment connecter. Alors est-ce que c’était mieux avant? Snapchat, Tiktok… Je n’y suis pas vraiment. Mais si les jeunes y sont, c’est qu’ils y trouvent aussi quelque chose.»

C’est quoi ton niveau de stalking?

«(Rires!) D’habitude, pas tant! Je suis douée, mais je ne le fais pas souvent. Mais j’ai des skills, honnêtement! Pour Nour, c’était exceptionnel… c’était de l’acharnement quand même! Surtout de son point de vue… Je suis une vieille folle quoi!»

ON THE MOVE

Ce livre parle aussi de solitude. Toi, tu es plutôt du genre à voyager en van, entourée de plein de gens, ou en Smart plutôt solo?

«Alors je n’ai pas le permis, mais totalement en Smart! J’ai mon cercle rapproché de cinq à six personnes avec qui je peux passer beaucoup de temps. Sinon, j’ai des batteries sociales qui se déchargent assez vite.»

Tu dois passer beaucoup de temps dans les transports entre Paris et Bruxelles. Tu fais quoi pour t’occuper?

«Je passe beaucoup de temps à bosser dans les trains mais j’aime encore bien. Et puis aller souvent à Paris, ça m’aide à aimer encore plus Bruxelles: ça ne sent pas l’urine! Franchement c’est un plus: Paris, c’est idéal pour aimer toutes les autres villes du monde!»

Ta meilleure anecdote dans les transports?

«Dans un véhicule. Il est 23h. On attend devant un passage pour piétons avec ma meuf, le feu était rouge. Et là une ambulance enclenche son haut-parleur et on entend: ‘Fanny Ruwet, on adore ce que vous faites, vous êtes trop drôle!’ Je me suis dit ‘WTF: il y a une ambulance qui me parle! Ça, c’est stylé quand même!’»

LIFESTYLE

Qu’est ce qui te fait rire toi?

«Tout ce qui me surprend me fait rire! Les trucs surprenants, bizarres, ou malvenus me font rire! Une blague de pet me fera toujours rire. Parce que c’est toujours malvenu.»

L’humour, c’est aussi le remède à la «loose», à la déprime d’Allie?

«Oui, les deux. Il y a cet humour du désespoir: soit je rigole soit je me flingue, mais pas d’arme donc pas le choix. Pour la loose, j’ai un peu l’impression que tous les humoristes étaient des gens assez nuls au collège. Et il y a un peu ce truc de revanche sur son adolescence.»

Cette adolescence, on n’a pas trop envie de s’y replonger. Là, tu l’as fait.

«La littérature m’a justement permis d’aller gratter là où c’est moche, là où ça fait un peu mal. J’aurais aimé qu’on me dise quand j’étais ado: c’est pas ça la vraie vie! Car c’est tragique en fait: quand ils sont en émulsion totale, en train de se construire, on les enferme huit heures par jour avec des gens qu’ils n’ont pas choisis pour apprendre des trucs dont ils n’ont rien à foutre… C’est horrible. J’aurais aimé qu’on me dise que le fun commence après: quand tu choisis qui tu fréquentes et ce que tu veux faire. C’est minimum à 25 ans que ça devient chouette!»

Allie ne démarre pas sa journée sans son latte. Toi, quel est ton indispensable du matin?

«Avant c’était le latte, là je suis passée au cappuccino: on est sur un changement radical de vie! On a quand même beaucoup de points communs avec Allie. Et ce truc du latte qui a le goût du réconfort, c’est vrai. Il y a ce repère-là: quoiqu’il arrive, et même si ta journée est nulle à chier.»

Au fond, tu es plutôt optimiste ou pessimiste?

«C’est dur à dire. En général, je ne suis pas du genre à stresser. Quand les choses arrivent, elles arrivent et on va les gérer. Je dirais relativement optimiste, parce que j’essaie d’avoir le plus de trucs possible sous contrôle. Donc si un truc merde, c’est qu’on ne pouvait pas le prévoir, c’est que ce n’est pas de ma faute. Donc, on trouve toujours une solution!»

EN QUELQUES LIGNES

S’il y a beaucoup de romans qui nous font sourire, il est rare qu’ils nous fassent éclater de rire. Celui-ci y parvient, littéralement. A coup de notes de bas de page hilarantes, de métaphores inattendues et de réflexions décalées, Fanny Ruwet évoque tour à tour les réseaux sociaux, les dates foireux, la bisexualité, la déprime, l’alcoolisme, la quête de sens... Tout cela rythmé par une enquête improbable : celle d’Allie, jeune journaliste, qui part à la recherche de Nour, un garçon rencontré sur Skyblog 15 ans plus tôt.

« Bien sûr que les poissons ont froid », c’est le portrait de notre génération. Drôlissime mais loin d’être superficiel. Car c’est aussi et surtout un roman touchant. Un livre qui nous replonge dans notre adolescence, cette périodeoù l’on redoute un peu d’aller fouiller, mais qui nous permet en même temps de retrouver l’intensité de nos émotions d’alors. Bref, un ré-gal !

«Bien sûr que les poissons ont froid, de Fanny Ruwet, éditions de l’Iconoclaste, 19€»

5/5

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