Comment recycle-t-on les avions?

À l’heure du flygskam, où l’aérien est de plus en plus pointé du doigt pour son empreinte carbone, les compagnies s’emploient à moderniser leurs flottes pour les rendre moins polluantes. Outre la conception, se pose aussi la question du recyclage des appareils pour rendre le secteur plus durable. À partir de quand un avion est-il «trop vieux»? Et comment ces engins volants peuvent-ils être recyclés?

par
Oriane Renette
Temps de lecture 4 min.

4.000. C’est le nombre d’avions qui jonchent le sol du «Boneyard», le plus grand cimetière d’avions au monde situé en Arizona. Dans cet ancien aéroport militaire perdu au milieu du désert, certains de ces géants sont cloués au sol depuis près de 10 ans. Pourtant, des alternatives existent pour éviter ce sinistre tableau. À commencer par le recyclage des appareils lorsqu’ils deviennent obsolètes.

En moyenne, les avions de ligne ont une durée de vie de 25 ans avant d’être mis au rebut. Mais comment recycler un engin de plus de 70 mètres de long et de 60 tonnes environ? C’est tout un défi logistique.

Des semaines de travail

D’autant que les entreprises spécialisées dans le recyclage d’avions ne courent pas les rues. L’une d’entre elles, leader d’un marché en pleine expansion, est Tarmac Aerosave. À sa création en 2007, cette filiale d’Airbus, Safran et Suez s’était donnée pour mission de recycler les premiers avions commerciaux d’Airbus qui, lancés dès 1972, arrivaient doucement en fin de vie. Depuis lors, Tarmac a recyclé quelque 300 engins dans ses ateliers situés en France et en Espagne. Et depuis 2021, elle s’attaque à un mastodonte du ciel: l’Airbus A380, connu pour être le plus gros avion de ligne du monde.

Démanteler un avion prend en général six à sept semaines. L’opération s’étend sur plus de trois mois pour désosser un A380. Chez Tarmac, 92% de l’appareil est recyclé ou valorisé, se vante l’entreprise. Mais concrètement, comment se déroule ce processus?

Deux scénarios

Une fois arrivé dans les ateliers, la première étape est de répertorier tous les éléments qui composent l’avion. Après, de vidanger totalement l’appareil (carburant, huile, eau, etc.) Cela permet de procéder aux découpes et au démantèlement complet de l’avion. Ensuite, selon la nature des pièces, il faut distinguer deux scénarios. D’un côté, les pièces qui, une fois démontées, peuvent être réutilisées (quasiment) telles quelles. De l’autre, les composants qui seront recyclés pour devenir tout autre chose.

Dans le premier cas, les pièces retirées des entrailles de l’avion sont inspectées (éventuellement réparées, reconditionnées ou modernisées) avant d’être revendues. Elles pourront ainsi être réutilisées dans d’autres avions. C’est par exemple le cas du moteur, du train d’atterrissage et de certains composants électroniques (de navigation ou de communication). C’est aussi le cas pour les sièges et autres éléments de cabine (ceintures, lampes, rideaux, tablettes, panneaux, chariots…). Autre option: certaines pièces détachées sont conservées en tant que «pièce de rechange» pour des modèles similaires. D’autres encore peuvent être données aux écoles ou centres de formation afin que les élèves s’entraînent avec du véritable matériel.

Ce qui n’a pu être revendu ou réutilisé devient donc un déchet. Déchet qu’il convient de recycler au maximum. Il faut donc trier tous les matériaux (aluminium, titane et autres métaux) et les rediriger vers les circuits «classiques» qui prennent en charge leur recyclage (quand c’est possible, ce qui ne l’est pas pour les composites). C’est le scénario qui attend, le plus souvent, la carcasse de l’avion, les hublots ou les éléments plastiques. Prenons notre airbus A380. À lui seul, il faut compter 120 tonnes d’aluminium à envoyer en filière recyclage!

Une fois tout ce processus terminé, il ne reste plus grand-chose de l’avion. «Les déchets restants sont aussi minimes que possible», assure Lionel Roques, de Tarmac Aerosave, dans les colonnes de CNN. «Bien sûr, certains matériaux composites ou certains produits dangereux ne pourront pas être recyclés mais on parle d’un petit pourcentage». Dans le cas de l’A380, «il restera quelque chose comme 1% à 3% de matériaux qui seront des déchets enfouis ou incinérés», se réjouit-il. Un pourcentage qui est toutefois plus important sur des modèles comme l’A350 ou le Boeing 787.