Témé Tan revient (enfin) après six ans d’absence: «Je ne savais pas si je pourrais un jour rechanter»

Cela faisait six ans que les fans de Témé Tan attendaient qu’ils reviennent en musique. Entre crise sanitaire, problèmes de santé et parentalité, le chanteur est passé par toutes les émotions ces dernières années. Mais le voilà avec un second album, «Quand il est seul», à propos duquel nous l’avons questionné il y a quelques jours.

par
Sébastien Paulus
Temps de lecture 8 min.

Lorsqu’on jette un œil sur les débuts de ta carrière musicale, ils ont été compliqués, puisque tu sors en 2011 un EP qui ne fonctionne pas suffisamment à ton goût. Quelles leçons est-ce que tu as tiré de cette expérience?

Témé Tan: «Ce qui a été frustrant, c’est qu’on avait une super équipe pour le live. Je prenais énormément de plaisir sur scène donc quand j’ai réalisé qu’on ne trouverait pas spécialement de dates, je l’ai mal vécu. J’ai eu le choix entre rester en Belgique et attendre que quelque chose se passe, ou partir le cœur léger pour vivre une autre aventure. Durant mon voyage en Amérique Latine, j’ai sorti un autre projet qui a, lui, mieux fonctionné, et ça m’a motivé à revenir au pays pour le défendre.»

Il était impensable de dissocier la musique et le voyage durant cette aventure?

«J’avais fait mon deuil du premier EP, mais j’ai continué à travailler ma musique. Il n’y avait pas de perspectives claires, mais je n’ai pas arrêté de gratter.»

Tu reviens de ces voyages avec plusieurs morceaux dans ta besace, dont «Améthys». Est-ce qu’on peut considérer ce titre comme l’un des plus importants de ta carrière?

«C’est le morceau le plus important. C’est ça qui a fait que Radio Nova m’a repéré et que PIAS a suivi. J’ai pu commencer à jouer en France et puis au Québec.»

En 2017, tu te révèles dans un premier album éponyme. L’expérience de la sortie d’un album, c’est toujours quelque chose. Comment l’avais-tu vécu?

«Assez mal. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur. Ce que j’ai le plus mal vécu, ce sont les journées promo durant lesquelles j’étais assis huit heures par jour dans un hôtel avec les journalistes qui défilaient et qui me faisaient répéter ma bio. J’avais l’impression que j’étais un perroquet et que les personnes en face de moi ne s’intéressaient pas à moi. Au-delà de ça, j’ai également mal vécu la pression que l’on peut ressentir pour les émissions télévisées ou pour les premières parties. Tu te retrouves catapulté devant des milliers de personnes qui achètent un ticket pour quelqu’un d’autre. Si tu assures, on te dit que tu vas peut-être exploser, mais si tu te foires, on te dit que t’es foutu.»

Tu sens que tu as grandi par rapport à cette pression?

«Oui j’ai tendance à beaucoup plus relativiser, notamment parce que j’ai un fils qui m’attend à la maison. À l’époque, j’étais sans attache et tout dédié à l’industrie du disque. Désormais, c’est moins le cas.»

C’est ce que tu expliques dans «Sage», où on te sent revanchard. As-tu parfois le sentiment d’être un produit de consommation?

«Oui complètement. J’ai de la chance d’être très bien entouré avec les équipes de PIAS maintenant, mais lors de ma première tournée, je n’avais pas réalisé certaines choses. Il me manquait certains codes. Quand on me disait que je faisais des morceaux dans des styles trop différents, ça ne m’avait jamais traversé l’esprit.»

Cet album, tu l’as emmené aux quatre coins de la planète, en passant par l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et l’Asie. C’est un rêve qui s’est accompli pour le musicien globe-trotter que tu es?

«C’est à ce que j’aspirais. Ce sont mes deux passions. Quand tu voyages pour aller en festival, tu découvres le pays d’une tout autre manière qui est vraiment agréable. Tu n’es pas un touriste, tu fais partie du truc même si ce n’est pas du tout le cas (rires). C’était un rêve devenu réalité et ça a justifié que je tire la tournée en longueur. J’ai saisi toutes les opportunités.»

Généralement, on attend deux, trois, voire quatre ans avant de voir un artiste faire son retour avec un nouvel album, mais dans ton cas, ce sont six ans qui se sont écoulés. La pandémie est-elle l’unique responsable de cette mise à l’écart?

«Il y a plusieurs raisons, et la première c’est que ma tournée a duré beaucoup plus longtemps que ce que je pensais. J’étais censé arrêter à l’automne 2018 et j’ai finalement prolongé jusqu’à l’été 2019. J’ai alors eu des soucis de santé qui m’ont laissé dans le doute: je ne savais pas si je pourrais un jour rechanter. Et puis il y a eu la crise sanitaire, durant laquelle j’ai ressenti un gros malaise par rapport à tout ce qui a pu être dit sur la culture. Quand tu as donné toute ta santé à la culture et qu’on te dit que ce n’est pas si important, c’est dur. À ce moment-là, j’étais en train de travailler sur un disque, mais le contexte m’a fait tout jeter à la poubelle. Et puis je suis devenu papa, donc j’ai décidé de créer un studio chez moi pour travailler de la maison. Mon album était terminé à l’automne 2022 et ça a pris un peu de temps avant d’arriver jusqu’au public.»

Indépendamment de tout ce que cette crise sanitaire a causé et que l’on regrette, est-ce que d’un point de vue personnel ce temps d’arrêt, cette respiration, t’a fait du bien?

«J’ai pu être là pour les deux premières années de mon fils et c’était archi-important. Ça m’a fait réaliser que je voulais être là pour lui et que l’industrie musicale passait complètement au second plan. Je pense aussi que j’ai pris du recul sur mon disque et prendre des meilleures décisions artistiques. Et enfin, j’ai pu me refaire une santé et tout va bien désormais.»

Tout cela nous amène à ton deuxième album, qui s’intitule «Quand il est seul». Dans notre société, on a tendance à associer la solitude à quelque chose d’assez négatif. On aspire à une vie en couple, on essaie toujours d’être bien entouré. Est-ce que pour toi, la solitude a du bon?

«Durant l’écriture de l’album, j’ai collaboré avec énormément de personnes, comme jamais je ne l’avais fait auparavant. Mais je l’ai terminé tout seul et personne n’était là pour me tenir par la main. C’est parce que j’ai terminé ce disque seul que je l’ai appelé de la sorte. Depuis qu’il est fini, tout ce que je dois entreprendre pour le promotionner me font me sentir assez seul. C’est important pour pouvoir prendre ses propres décisions.»

Ton retour fracassant, tu l’annonces avec le morceau «Tu ne me connais pas». On a le sentiment que le message derrière ce morceau c’est «Ca y est, je suis ressourcé, et je suis prêt à y retourner à nouveau. Est-ce que c’est un cycle éternel pour les artistes?

«Oui et pourtant, pour la tournée qui débute, j’ai envie de prendre exemple sur certains artistes qui réalisent une tournée et qui, une fois que celle-ci est finie, sortent un nouveau disque. S’ils le font, c’est que ça doit être possible. Je vais essayer de pas m’épuiser sur la promo du disque, afin d’en sortir un autre rapidement. Garder un maximum de points de vie dans ma jauge de vie pour être d’attaque (rires).»

Tu chantes aussi en anglais sur cet album, notamment avec le morceau «Took it Wrong», dans lequel tu dis: «Maybe my last song was a mistake». Le fait d’avoir des regrets, c’est inévitable en tant qu’artiste. Comment est-ce qu’on gère ce genre de choses?

«Souvent, quand on a livré son œuvre quelle qu’elle soit, on veut vite passer à autre chose. Je sais que je regrette plein de choses sur mon premier disque. Et qu’il y a plein de trucs que je regrette déjà sur l’album actuel. Mais je suis content de le sortir avec ses imperfections et aussi parce que ça va nourrir l’écriture du prochain auquel je pense déjà beaucoup. Oui, je pense que le regret est inhérent au métier d’artiste.»

Dans «Le million», tu évoques la difficulté de ne pas regarder les chiffres, qu’il s’agisse d’euros sur ton compte, de vues sur Spotify ou de tickets vendus. Tu arrives à te sentir complètement détaché de ce genre de questions?

«Je pense que je m’en détache plus qu’avant, même si j’en suis pas totalement détaché non plus. ‘Le million’ a été écrit comme une sorte de mantra que je vais me répéter toute la tournée.Tu peux jamais savoir ce qui va se passer, et les chiffres sont un peu toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.»

Tu as fait ton retour sur scène il y a un mois durant le festival Francofaune, je voulais savoir comment ça s’était passé, quelles sensations tu avais eu?

«J’étais super content et libéré. Désormais, je suis accompagné d’un batteur et d’un guitariste, ce qui change tout. C’était génial de jouer des nouveaux morceaux et le public était vraiment cool. J’étais tout de même très nerveux, et j’ai fini très fatigué après ma prestation…»

Justement on parlait de jauge de vie il y a quelques instants, un concert ça coûte de l’énergie, mais ça t’en donne aussi. Quelle est la balance entre les deux?

«Pour le concert à Francofaunes, je dirais que c’est match nul (rires). Je pense que j’ai peut-être un peu trop donné et que par moments, je m’emportais. Mais ça reste un très bon souvenir.»

Témé Tan sera en concert à l’Ancienne Belgique ce jeudi 23 novembre.

Son album «Quand il est seul» est disponible sur toutes les plateformes.

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