La vasectomie séduit de plus en plus d’hommes, voici pourquoi

Ils ont déjà des enfants et n’en veulent plus, ne comptent jamais en avoir ou ont décidé de prendre leur part de la contraception: de plus en plus d’hommes ont recours à la vasectomie, qui souffre encore d’idées reçues. Voici les trois principales raisons à ce changement de mentalité.

par
ETX
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1.Plus de pilule

À 46 ans, Eric Serre, garagiste en reconversion dans la Manche, père de deux enfants, avait promis à sa femme, qui «ne supporte plus la pilule», de prendre le relais le moment venu.

Après un entretien avec son médecin traitant, qui a «plutôt éludé le sujet», la gynécologue de sa compagne leur a expliqué qu’en France, une seule solution s’offrait à eux.

Lundi dernier, il s’est fait opérer pour une vasectomie, une méthode de stérilisation masculine qui consiste à couper et bloquer les canaux déférents transportant les spermatozoïdes à partir des testicules.

«J’ai encore un peu mal mais c’est tout à fait supportable», raconte-t-il, «fier» de cette décision.

2.Pas de désir d’enfants

Rudy Patel, 38 ans, assume, lui, ne pas vouloir d’enfants: «dans la société actuelle, je ne pense pas pouvoir leur proposer un avenir correct».

Candidat à une vasectomie, ce contrôleur de gestion à Valenciennes (Nord), a essuyé un premier refus d’un urologue, qui ne le pensait peut-être pas assez sûr de son choix.

Finalement opéré en juillet par un autre médecin – trouvé grâce à un groupe sur les réseaux sociaux–, il ne regrette rien: «il faut attendre quelques mois avant d’être totalement stérile, avec ma compagne on sera vraiment libérés en octobre».

Selon les derniers chiffres de l’assurance maladie, le nombre de vasectomies remboursées en France est passé de 1.908 en 2010 à 23.306 en 2021.

Dans le même temps, le nombre de ligatures des trompes, une intervention chirurgicale de contraception définitive concernant les femmes, a chuté de 31.473 en 2010 à 21.490 en 2021.

«La vasectomie a été multipliée par dix en dix ans, les chiffres restent faibles car on part de très loin, mais clairement ça explose», assure l’urologue Vincent Hupertan.

3.Des risques chirurgicaux limités

«En septembre 2016, je pratiquais trois vasectomies par mois, là je suis à 35, au maximum de mes capacités», détaille ce chirurgien spécialiste de la vasectomie «sans bistouri» ou «sans scalpel», qui limite les risques chirurgicaux.

Une technique encore méconnue en France mais qui va nécessairement progresser «face à la demande», estime-t-il.

Très répandue dans les pays anglo-saxons ou au Québec (un homme sur trois de plus de 50 ans y a recours), la vasectomie n’est légale en France que depuis 2001.

«Les premières années suivant la légalisation, la demande était très faible, à cause de préjugés dans la population, de manque d’informations et de difficultés d’accès», expose Elodie Serna, docteure en histoire, auteure de l’essai «Opération vasectomie».

«Depuis 2011-2012, les choses ont changé en partie à cause de la ‘crise de la pilule’, qui a fait réagir sur les usages des hormones», poursuit-elle. «C’est à peu près dans la même période que des collectifs se sont remobilisés sur le sujet de la contraception masculine».

Si les mentalités évoluent, son extension se heurte toujours à des freins.

Encore des tabous

«Le premier, c’est la peur de la douleur», énonce Antoine Faix, membre de l’association française d’urologie. «Persistent aussi tout un tas de tabous concernant la virilité, d’idées reçues autour des conséquences potentielles qu’aurait l’opération sur l’érection ou le plaisir».

«On se demande forcément si ça va encore fonctionner après!», témoigne Tony Castaldi, 32 ans, qui va se faire opérer en septembre, après avoir été rassuré sur ce point par des témoignages sur des forums.

Peu réversible

«J’ai deux enfants, et on va s’arrêter là», explique-t-il. Son regret: n’avoir pas fait la démarche de congeler du sperme «au cas où». La vasectomie est en effet potentiellement, mais difficilement, réversible et cette réversibilité n’est pas garantie.

Dernier obstacle: le prix de l’acte, fixé par l’assurance-maladie, n’est pas incitatif pour le praticien, et la ligature des trompes reste aujourd’hui quatre fois mieux rémunérée. «Ce n’est pas un acte rentable», regrette le Dr Hupertan. Pour autant, il en est persuadé, «une révolution est en marche».