Le mal-être des étudiants ne s’améliore pas malgré la fin de la crise sanitaire

Bastien achève cette année un master de journalisme, «le métier de ses rêves». Mais il se dit «profondément malheureux» et confie avoir «craqué» psychologiquement à l’automne, comme des milliers d’autres étudiants en situation de mal-être, en France comme en Belgique.

par
ETX Daily Up Studio
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»Pour la première fois de ma vie, je suis allé voir un médecin pour arrêter une semaine», raconte à l’AFP cet étudiant en deuxième année de master à l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA). «Je ne sais pas si l’on peut dire que c’était un burn-out mais j’ai craqué. Le médecin m’a prescrit d’aller voir un psy.»

A l’espace santé rattaché à l’Université de Bordeaux, le nombre de séances financées par des «chèques psy» a doublé entre 2021 et 2022, passant de 2.440 à 4.800, selon Kévin Dagneau, responsable de la vie étudiante et directeur de cabinet du président.

Des burn-out dans tous les sens

«On a des étudiants complètement en burn-out (…) Les consultations pour des problèmes de dépression ou d’anxiété ont explosé».

Cette fragilité n’est pas nouvelle mais ici comme ailleurs, elle a été mise en lumière par la crise sanitaire et les situations d’isolement qu’elle a engendrées.

«Avant le Covid, on s’interrogeait sur la santé physique des étudiants. Avec la pandémie, on s’est rendu compte qu’ils pouvaient aussi souffrir mentalement», poursuit M. Dagneau.

Christophe Tzourio, épidémiologiste à l’Université de Bordeaux, coordonne depuis dix ans une étude, «I-Share», sur la santé mentale de milliers d’étudiants. Durant la pandémie, ce chercheur et son équipe ont comparé 1.500 d’entre eux à 2.500 autres jeunes adultes.

«Dès le premier confinement, les étudiants ont développé plus de maladies mentales que les non-étudiants. Au deuxième, 54% étaient déprimés, contre 27% des autres jeunes», souligne le scientifique qui a lancé une nouvelle étude comparative. Les résultats ne sont pas encore disponibles mais «il est certain que ça ne va pas mieux», affirme M. Tzourio.

«Je joue ma vie»

À l’IJBA, Bastien Marie, 22 ans, achève un cursus de cinq années d’études. Boursier, il ne peut se permettre de rester sans emploi à sa sortie d’école dans quelques mois: «Mes parents n’ont pas les moyens de m’entretenir après».

Cela pèse lourd sur ses jeunes épaules. «Je joue ma vie. Là, c’est la balle de match, la finale (…) Mon quotidien ne se résume qu’à une chose: +Travaille à fond, donne tout ce que tu as, sacrifie tout pour avoir des chances de travailler l’année prochaine+.»

«On ne se rend pas compte qu’il y a une accumulation de pression mentale sur les jeunes générations», estime le professeur Tzourio. «Ces jeunes-là en souffrent beaucoup plus que les anciennes générations. Certains pensent que ce sont des chouineurs, c’est faux.»

Sur les réseaux sociaux, les discussions entre étudiants témoignent de leur angoisse et de leur stress; beaucoup disent «chercher un psy» et demandent à se faire recommander des praticiens. «En art, on est tellement anxieux qu’on fait des burn-out», témoigne une étudiante sur une plate-forme. «Pendant mon stage, j’ai été arrêté deux semaines sur conseil de ma psy, j’étais à la limite du burn-out», confie un étudiant en droit.

Premiers secours

Lancée en 2020 dans quatre universités, une formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) s’est étendue depuis à de nombreux établissements: en 2022, 968 étudiants ont été formés dans la seule région Nouvelle-Aquitaine, selon Florence Touchard, infirmière à l’Université de Bordeaux et formatrice.

«Le mal-être est plus important qu’avant la pandémie», avec notamment «des troubles dépressifs, de l’anxiété»; conséquence de leurs périodes d’isolement, «les étudiants ont plus de mal à aller vers les autres, ils sont plus vite épuisés», constate-t-elle.

Éléonore Pinto, 23 ans, étudiante diplômée en ergonomie, a été formée en PSSM à l’Université de Bordeaux.

«Dans ma vie personnelle, j’ai pu utiliser certaines clés données par la formation pour aider une jeune personne de 18 ans qui traversait une crise difficile», raconte celle pour qui le Covid «a eu au moins le bon effet de briser un tabou: avant, les jeunes restaient dans leur coin à aller mal. Aujourd’hui, ils en parlent».

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