Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète?

Alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur Terre et que les risques associés au climat sont de plus en plus élevés, certains considèrent qu’il est préférable d’arrêter de faire des enfants. Mais tout le monde n’est pas de cet avis.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 4 min.

Le 14 novembre 2022, la population mondiale a dépassé les 8 milliards d’habitants. Il n’aurait fallu que 12 ans pour passer de 7 à 8 milliards. Pour vous donner une idée, dans les années 1950, nous n’étions «que» 2,5 milliards.

Quelles sont les prévisions des Nations unies? Selon l’Onu, la Terre va désormais connaître un ralentissement démographique. Le cap des 9 milliards d’habitants est prévu en 2037. L’Onu projette un «pic» à 10,4 milliards d’habitants dans les années 2080. Ensuite, la population mondiale stagnera jusqu’à la fin du siècle.

Agir radicalement pour «un futur vivable»

Parallèlement, le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) publié lundi dernier sonne comme un rappel brutal de la nécessité pour l’humanité d’enfin agir radicalement au cours de cette décennie cruciale pour s’assurer «un futur vivable». Selon cette synthèse des experts climat de l’Onu, le réchauffement climatique a déjà grimpé de près de 1,2ºC en moyenne par rapport à l’ère préindustrielle et il atteindra 1,5ºC dès les années 2030-2035.

«Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu’à présent seront parmi les plus fraîches d’ici une génération», résume Friederike Otto, co-autrice de la synthèse.

Faut-il arrêter de faire des enfants?

Dans ce contexte, convaincus que la lutte contre le changement climatique suppose de réduire la population mondiale ou n’ayant tout simplement pas envie de laisser une planète dans un tel état à une génération future, des jeunes adultes renoncent à devenir parents.

Selon une enquête publiée en 2021 par The Lancet, menée auprès de 10.000 personnes dans dix pays de tous les continents, 39% des jeunes de 16 à 25 ans «hésitent à faire des enfants» car ils sont inquiets face au changement climatique.

«Beaucoup de gens s’interrogent mais le phénomène reste difficile à quantifier», souligne Emmanuel Pont, auteur du récent livre «Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète?».

Notre comportement plus important que notre nombre?

Mais est-ce vraiment une solution de ne plus faire d’enfants? Dans les faits, les chercheurs ne sont pas spécialement d’accord sur la question. Au-delà de l’aspect «croissance démographique», le lien entre démographie et protection du climat ne fait pas consensus.

D’un point de vue démographique, deux chercheurs australiens arrivaient à la conclusion dans une étude de 2014 que «même avec des politiques de l’enfant unique imposées partout dans le monde et des événements entraînant une mortalité catastrophique, il y aurait toujours probablement entre 5 et 10 milliards d’êtres humains en 2100».

D’un point de vue écologique, le fait de ne pas vouloir faire «trop» d’enfants tiendrait davantage la route. Une étude publiée en 2017 par deux spécialistes nord-américains du changement climatique avait conclu qu’avoir «un enfant de moins» était beaucoup plus efficace en termes de bilan carbone que de renoncer à la voiture, aux voyages en avion ou à la consommation de viande.

«Notre impact sur la planète est déterminé bien plus par nos comportements que par notre nombre», conclut Jennifer Sciubba, chercheuse en résidence au cercle de réflexion Wilson Center.

«Les humains sont autodestructeurs, ils ont un comportement suicidaire»

À l’occasion de son passage à Bruxelles pour la promotion de son livre «Les lapins ne mangent pas de carottes», nous avons demandé à Hugo Clément, qui est lui-même père de deux enfants, ce qu’il pensait des jeunes adultes qui renonçaient à avoir des enfants pour des raisons écologiques.

«C’est quelque chose de très intime et de personnel. Chacun fait son propre choix sur cette question-là. Mais je pense que c’est un comportement naturel chez toutes les espèces animales de se reproduire. C’est le fonctionnement normal d’un écosystème. Nous ne sommes que des animaux et tous les animaux se reproduisent. Ce serait donc plutôt une anomalie d’avoir une espèce animale qui ne se reproduit pas», estime Hugo Clément.

«Je pense que pointer du doigt les gens qui font des enfants est une mauvaise idée car chacun fait ses choix. Ce qui dysfonctionne, ce n’est pas tant la reproduction mais c’est le fait qu’on détruise les écosystèmes à travers nos activités et qu’on menace notre survie. Les humains sont autodestructeurs, ils ont un comportement suicidaire. Aux yeux de l’évolution, ce qu’on fait est une sorte de suicide. On pourrit l’air qu’on respire, on pollue l’eau qu’on boit, on augmente le risque d’émergence de nouveaux virus, on ingère des substances toxiques, c’est de l’autodestruction et il faut absolument arrêter ça!», conclut Hugo Clément.

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